J’irai prier sur vos tombes (Toussaint)
J’irai prier sur vos tombes
Homélie pour la fête de Toussaint / Année A / 1/11/2011
La nostalgie semble liée à de la Toussaint de toujours à toujours. Malgré la belle lumière de l’été indien, et malgré les superbes patchworks pourpre et or dont se revêtent les parcs et les vignes, un je-ne-sais-quoi de tristesse et de mélancolie flotte sur ces deux jours charnière.
Autrefois, la visite des cimetières familiaux ritualisait cette angoisse diffuse.
Les grands-parents racontaient devant les tombes quelques anecdotes de la saga familiale à des gamins sages déjà familiers de la mort.
Quand la mort ne fait plus partie de la famille, quand le contact physique avec les morts fait désormais horreur, quand la mémoire familiale s’émiette à l’aune des séparations successives, que faire du rappel à la brièveté de la vie que la Toussaint continue de symboliser en France ?
La réponse de la majorité d’entre nous sera dans le divertissement (au sens pascalien du terme). On prend le grand pont de la Toussaint, on essaie d’en oublier le contenu pour en profiter comme d’un congé ordinaire. Mais le coeur n’y est jamais tout à fait.
La minorité chrétienne, attachée au sens religieux de la fête, sait être à contre-courant en voulant regarder la mort en face. Mais nous envisageons la mort à travers le bel Évangile des Béatitudes : le visage du Christ bienheureux dépeint en Mt 5 nous fait voir le visage de nos proches autrement.
Ce texte est un avertissement : ne sont pas heureux ceux qui paraissent l’être ; le résultat d’une existence n’est pas ce qui apparaît aux yeux des hommes. Il y aura bien des surprises lorsqu’il s’agira enfin de découvrir la vraie richesse de chacun.
Bien des pauvres seront mis à l’honneur.
Des larmes accumulées se transformeront en fontaine de joie.
D’obscurs sacrifiés aux logiques des puissants retrouveront leur splendeur native.
Des témoins désarmés feront éclater au grand jour la puissance finale de la douceur.
Des persécutés ordinaires ou extraordinaires seront rétablis dans leur dignité.
Comme le chantait Marie bien avant les Béatitudes : « Dieu renverse les puissants de leurs trônes. Il élève les humbles. Il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides » (Lc 1,46-56).
La tristesse diffuse des bouquets de chrysanthèmes sera alors canalisée : il y a une telle promesse au coeur de cette fête de Toussaint que l’absence des visages aimés en devient la source de renversements inouïs à venir.
Allons donc sur les tombes de nos défunts : nous y avons rendez-vous avec l’au-delà de notre propre existence.
Mots-clés : cimetière, tombes, Toussaint