En joug, et à deux !
En joug, et à deux !
Homélie du 14ème Dimanche ? Année A 03/07/2011
· Échanger mon fardeau contre le joug du Christ :
tel semble être l’un des enjeux de cet évangile.
Vous avez entendu : « venez à moi vous qui peinez sous le poids du fardeau » : on s’attend donc à ce que le Christ nous décharge de tout, pour trouver le repos. Pas du tout : « Prenez sur vous mon joug ! »
Le repos promis par le Christ n’est donc pas l’absence de tout travail, c’est le passage de mon fardeau à son joug à lui.
Qu’est-ce que cela peut vouloir dire ?
Le fardeau, c’était autrefois le ballot, le paquet que l’on chargeait sur le dos d’un chameau. Par extension, c’est devenu le symbole d’une lourde préoccupation qu’on porte seul, et sans l’avoir choisi.
Le joug, c’est fort différent.
C’est la pièce de bois qui permet de lier 2 animaux – 2 boeufs le plus souvent – pour qu’ils tirent ensemble dans la même direction.
Prendre le joug du Christ, c’est donc ne plus être seul, c’est être attelé avec lui à une ?uvre commune.
- D’ailleurs en français, le mot joug a donné le verbe con-juguer : conjuguer nos efforts, c’est les orienter dans la même direction grâce au joug qui les réunit.
- Homme et femme deviennent « conjoints » lorsque le mariage, tel un libre joug d’amour, les unit mieux que les b?ufs du paysan qui pourtant faisaient déjà un extraordinaire travail de labour en travaillant ensemble sous le même joug?
- Les rugbymen connaissent également un appareil d’entraînement qu’on appelle le joug. Les avants répètent inlassablement l’entrée en mêlée, et la poussée collective : en se mettant ensemble sous ce joug, ils apprennent à se lier et à pousser pour une mêlée puissante. Le joug des rugbymen est ainsi symbole de l’esprit d’équipe des avants.
- Le mot a également donné le verbe : subjuguer. Au mauvais sens, c’est placer quelqu’un sous la dépendance d’un autre. Au meilleur sens du terme, être subjugué par quelqu’un c’est être prêt à travailler avec lui, à m’unir à lui pour une ?uvre commune. En ce sens, oui, je n’hésiterai pas à dire que je suis subjugué par le Christ ?
Ce joug-là est réellement léger et facile à porter, puisqu’il s’agit d’être librement et par amour associé au travail du Christ pour nous, au labour du Christ en notre humanité.
Voilà donc la transformation qui nous est proposée en cette eucharistie : déposez vos fardeaux au pied de l’autel, et repartez avec le joug du Christ sur vos épaules.
· Essayez de visualiser le « fardeau » qui est actuellement le vôtre : dans votre vie familiale, professionnelle, amicale, religieuse, vos problèmes de santé, de relations? ce qui est trop lourd, ce que vous portez seul, trop seul, sans l’avoir choisi?
Essayez maintenant de le confier au Christ, d’accepter de ne plus le porter seul, mais de conjuguer vos efforts avec lui, de le laisser devenir votre « conjoint »?
La vieille tentation anti-chrétienne la plus fondamentale est toujours le refrain : « sauve toi toi-même ». Par 3 fois, Jésus a été tenté dans sa Passion par cette petite voix : « qu’il se sauve lui-même ? ». Le joug de ce Dimanche est l’antidote à ce poison de l’auto-rédemption : non je ne veux ni ne peux me sauver moi-même. C’est en prenant sur mes épaules le joug du Christ que je trouverai ma liberté, et la force pour bouger avec lui ce qui me semblait inamovible tout seul.
· Regardez l’étole des prêtres : elle n’est pas comme celle des diacres, en diagonale, symbolisant l’aumône. Elle est droite, justement en forme de joug sur les épaules du prêtre. Car par l’ordination, les prêtres prennent place sous le joug du Christ pour porter avec lui la charge pastorale. Le ministère des prêtres n’est pas un lourd fardeau, c’est se laisser subjuguer par le Christ? !
· Faites cette expérience de porter avec le Christ ce qui vous semble lourd dans votre vie.
Arrêtez de compter sur vos seules forces : c’est épuisant, souvent stérile.
Acceptez de recevoir du Christ (et des autres) par la prière, la lecture de la Bible, la vie en Église? Regardez votre travail, votre vie de famille, comme si le Christ en personne était attelé à vos côtés, épaule contre épaule, sous le même joug. Cherchez alors à faire son ?uvre à lui, et non pas la vôtre. Ne cherchez même pas à faire une ?uvre pour lui : prenez son joug à lui ; il est léger et facile à porter. Certes « on n’est pas des boeufs »: mais le joug du Christ nous est donné pour labourer avec lui.
Si vous laissez ainsi le Christ transformer vos fardeaux en son joug, vous ne verrez plus vos priorités dans le même ordre ; vous relativiserez ce qui vous paraissait important ; vous découvrirez que « la foi déplace les montagnes » mieux encore que 2 b?ufs déplacent la plus lourde des charrues lorsqu’ils sont sous le même joug?
Laissez le Christ vous subjuguer ; conjuguez vos efforts aux siens, et paradoxalement le vrai repos vous sera donné. Non pas le faux repos du farniente stérile, mais la paix du c?ur de celui qui avance paisiblement, au pas du Christ qui est devenu son « conjoint »?
« Prenez sur vous le joug du Christ » !
1ère lecture : Le Messie qui vient est un roi humble (Za 9, 9-10)
Lecture du livre de Zacharie
Exulte de toutes tes forces, fille de Sion !Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient vers toi : il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, un âne tout jeune.
Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations. Sa domination s’étendra d’une mer à l’autre,et de l’Euphrate à l’autre bout du pays.
Psaume : Ps 144, 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14
R/ Béni sois-tu à jamais, Seigneur, Dieu de l’univers !
Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi ;
je bénirai ton nom toujours et à jamais !
Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais.
Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour,
la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses oeuvres.
Que tes oeuvres, Seigneur, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.
Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit,
fidèle en tout ce qu’il fait.
Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent,
il redresse tous les accablés.
2ème lecture : L’Esprit du Christ est en nous, et il nous ressuscitera (Rm 8, 9.11-13)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous l’emprise de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas.
Mais si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.
Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais ce n’est pas envers la chair : nous n’avons pas à vivre sous l’emprise de la chair.
Car si vous vivez sous l’emprise de la chair, vous devez mourir ; mais si, par l’Esprit, vous tuez les désordres de l’homme pécheur, vous vivrez.
Evangile : « Je suis doux et humble de coeur » (Mt 11, 25-30)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Tu es béni, Dieu notre Père, Seigneur de l’univers, toi qui révèles aux petits les mystères du Royaume !Alléluia. (cf. Mt 11, 25)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus prit la parole : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits.
Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bonté.
Tout m’a été confié par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler.
Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos.
Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos.
Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »
Patrick Braud