Trois raisons de fêter Pâques
Trois raisons de fêter Pâques
Deux siècles d’esclavage : pourquoi ?
Pendant les 50 jours du temps pascal, nous allons décliner sous toutes ses facettes la richesse de l’événement de la résurrection du Christ, s’enracinant dans la Pâque juive.
Mais pourquoi Dieu a-t-il permis cette chose affreuse de l’expérience de l’abandon absolu par Jésus ? Pourquoi Dieu a-t-il apparemment abandonné son peuple deux siècles en esclavage avant de le libérer grâce à Moïse ?
Les deux Pâques, juive et chrétienne, font système : on ne peut déchiffrer l’une sans l’autre : l’une est la figure et l’autre l’accomplissement.
À la question cruciale : pourquoi l’esclavage en Égypte ? La tradition juive avance trois réponses qui valent également pour la passion du Christ où il se fait « esclave » par amour.
1. Le dégoût de tout esclavage
Si le peuple hébreu a subi l’esclavage, c’est pour ne plus jamais l’imposer à d’autres. Ayant connu de l’intérieur pendant deux siècles la condition de dominés, d’exploités, d’humiliés, les fils d’Israël devraient à jamais en être écoeurés, pour eux-mêmes comme pour les autres peuples. La fête de Pâques, mémorial de la libération, c’est justement l’antidote à l’oubli de ce que fut l’amertume de l’esclavage en Égypte. La Bible le dit avec réalisme : « le chien retourne à son vomi » (2P 2,22), c’est-à-dire que les générations suivantes sont à nouveau tentées par l’idolâtrie que leur pères ont rejetée. Alors manger des herbes amères lors du rituel de la fête de Pessah (Pâques) les oblige à se remettre en bouche l’amertume de l’esclavage idolâtrique. Un peu comme un ancien fumeur s’obligerait à tirer uniquement une bouffée de cigarettes pour en garder le dégoût à jamais.
Le peuple qui a connu si longtemps l’infamie des esclaves, la condition de lumpenprolétariat comme dirait Marx, veut conjurer la tentation d’y revenir un jour, pour lui-même comme pour d’autres. À ce titre, fêter Pâques, c’est s’engager à ne rendre personne esclave, ni individuellement ni collectivement, ni soi-même ni un autre.
On touche ici la dimension politique de la fête de Pâques, avec les conséquences que cela pourrait entraîner pour l’Israël actuel, comme pour les chrétiens en situation de puissance économique ou sociale…
2. Les trésors égyptiens
La tradition juive poursuit sa réflexion sur l’esclavage en Égypte en soulignant ce qu’il a apporté au peuple. En effet, à peine les flots refermés sur l’armée égyptienne, les hébreux ramassent les richesses éparpillées, dépouillent leurs chars. Ils amassent un butin de guerre qui vient s’ajouter aux biens de valeur emportés malgré la précipitation du départ pascal. C’est donc que finalement ils sortent d’Égypte plus riches ! La sortie de cette période de spoliation leur rend une aisance financière justement méritée. Ces biens emportés ne sont pas que économiques : ils sont également culturels, spirituels. La sagesse de la cour égyptienne, ses arts et ses techniques, et peut-être même son culte d’un dieu unique (promu par Akhenaton) marqueront pour longtemps la culture d’Israël. Le contact avec les autres nations, même s’il est douloureux voire fratricide, fait désormais partie de l’ADN du peuple des anciens esclaves.
Fils de Jacob qui les a fait venir en Égypte, le peuple libéré par Moïse n’oubliera pas que si Dieu le disperse parfois (cf. l’exil perse à Babylone, la Shoah nazie en Allemagne) c’est pour apprendre même de ceux qui l’oppriment. Une fois rassemblés autour de Jérusalem, les anciens exilés rapporteront dans leurs bagages la sagesse des nations, la nécessité de mettre la révélation en dialogue avec les autres cultures, l’impossibilité de l’autosuffisance, même (et surtout) en tant que peuple choisi (élu) pour témoigner de l’alliance de Dieu avec tous.
Les chrétiens fêtant la Pâque du Christ feront la même expérience : persécutées ici, minoritaires là, les Églises soumises à l’humiliation rappellent aux autres que Dieu les veut en dialogue, et qu’elles ont beaucoup à recevoir des cultures environnantes.
» L’Église peut aussi être enrichie, et elle l’est effectivement, par le déroulement de la vie sociale (?). L’Église constate avec reconnaissance qu’elle reçoit une aide variée de la part d’hommes de tout rang et de toute condition, aide qui profite aussi bien à la communauté qu’elle forme qu’à chacun de ses fils. En effet, tous ceux qui contribuent au développement de la communauté humaine au plan familial, culturel, économique et social, politique (tant au niveau national qu’au niveau international), apportent par le fait même, et en conformité avec le plan de Dieu, une aide non négligeable à la communauté ecclésiale, pour autant que celle-ci dépend du monde extérieur. Bien plus, l’Église reconnaît que, de l’opposition de ses adversaires et de ses persécuteurs, elle a tiré de grands avantages et qu’elle peut continuer à le faire. »
Concile Vatican II, Gaudium et Spes n° 44
3. Compter sur Dieu d’abord
Une troisième réponse juive au pourquoi de l’esclavage réside dans le mot « Amen ». Non pas comme un fatalisme. Mais comme une expérience qui pousse à compter sur Dieu d’abord, sur Dieu seul, puisque le peuple d’esclaves ne dispose d’aucune force armée ni de puissance humaine.
En esclavage, Israël découvre ce qu’est la foi : Emouna, d’où provient le mot Amen.
Emouna : c’est le crédit, la confiance que l’on accorde à Dieu au moment où tout semble fini à vue humaine.
C’est bien l’expérience de Jésus, plongé au plus bas de la déréliction (« mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ») et qui pourtant se remet avec confiance (« Père, entre tes mains je remets mon esprit ») sans savoir ni quand ni comment la libération se produira.
Emouna : la foi du peuple qui n’a d’autre libérateur que Dieu, la foi de Jésus qui s’appuie sur l’autre de lui-même.
Tant qu’Israël se croit fort de ses chars, de ses chevaux, de sa richesse, de son Temple, il court le risque de croire en lui avant Dieu. Le dépouillement de l’esclavage, de l’Exil, de la Shoah doit au moins éveiller en lui la foi première en Dieu. Le dépouillement de la croix pousse Jésus dans ses retranchements : faire confiance à son Père alors qu’il ne peut rien de lui-même.
Ne jamais imposer l’esclavage aux autres ni à soi ; recueillir les trésors des cultures environnantes ; compter sur Dieu d’abord, sur Dieu seul : la Pâque juive comme la Pâque chrétienne sont de vrais chemins de liberté, de sagesse et de foi.
Comment mettre en oeuvre très concrètement ces trois dynamiques pascales autour de nous ?
2° Dimanche de Pâques
1ère lecture : La communauté fraternelle des premiers chrétiens (Ac 2, 42-47)
Lecture du livre des Apôtres
Dans les premiers jours de l »Église, les frères étaient fidèles à écouter l’enseignement des Apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières. La crainte de Dieu était dans tous les coeurs ; beaucoup de prodiges et de signes s’accomplissaient par les Apôtres.
Tous ceux qui étaient devenus croyants vivaient ensemble, et ils mettaient tout en commun ; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous selon les besoins de chacun.
Chaque jour, d’un seul coeur, ils allaient fidèlement au Temple, ils rompaient le pain dans leurs maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité. Ils louaient Dieu et trouvaient un bon accueil auprès de tout le peuple. Tous les jours, le Seigneur faisait entrer dans la communauté ceux qui étaient appelés au salut.
Psaume : Ps 117, 1.4, 13-14, 19.21, 22-23, 24-25
R/ Éternel est son amour !
Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !
On m’a poussé, bousculé pour m’abattre ;
mais le Seigneur m’a défendu.
Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ;
il est pour moi le salut.
Ouvrez-moi les portes de justice :
j’entrerai, je rendrai grâce au Seigneur.
Je te rends grâce car tu m’as exaucé :
tu es pour moi le salut.
La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’oeuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.
Voici le jour que fit le Seigneur,
qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !
Donne, Seigneur, donne le salut !
Donne, Seigneur, donne la victoire !
2ème lecture : L’espérance des baptisés (1P 1, 3-9)
Lecture de la première lettre de saint Pierre Apôtre
Béni soit Dieu, le Père de Jésus Christ notre Seigneur : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître grâce à la résurrection de Jésus Christ pour une vivante espérance, pour l’héritage qui ne connaîtra ni destruction, ni souillure, ni vieillissement. Cet héritage vous est réservé dans les cieux, à vous que la puissance de Dieu garde par la foi, en vue du salut qui est prêt à se manifester à la fin des temps.
Vous en tressaillez de joie, même s’il faut que vous soyez attristés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves ; elles vérifieront la qualité de votre foi qui est bien plus précieuse que l’or (cet or voué pourtant à disparaître, qu’on vérifie par le feu). Tout cela doit donner à Dieu louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ, lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore ; et vous tressaillez d’une joie inexprimable qui vous transfigure, car vous allez obtenir votre salut qui est l’aboutissement de votre foi.
Evangile : Apparition du Christ huit jours après Pâques (Jn 20, 19-31)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Thomas a vu le Seigneur : il a cru. Heureux celui qui croit sans avoir vu ! Alléluia. (cf. Jn 20, 29)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. »
Or, l’un des Douze, Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) n’était pas avec eux quand Jésus était venu.
Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! »
Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Thomas lui dit alors : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre.
Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.
Patrick Braud