La grenouille qui ne se décourageait jamais
Homélie du 17/10/2010
29° Dimanche du temps ordinaire / Année C
La grenouille qui ne se décourageait jamais
Grenouiller jusqu’en haut
Il était une fois une course … de grenouilles.
L’objectif était d’arriver en haut d’une grande tour. Beaucoup de gens se rassemblèrent pour les voir et les soutenir. La course commença.
En fait, les gens ne croyaient pas possible que les grenouilles atteignent le sommet de la tour, et toutes les phrases que l’on entendit furent de ce genre :
« Inutile !!!
Elles n’y arriveront jamais! »
Les grenouilles commencèrent peu à peu à se décourager, sauf une qui continua de grimper.
Les gens continuaient :
« … Vraiment pas la peine !!! Elles n’y arriveront jamais!… »
Et les grenouilles s’avouèrent vaincues, sauf une qui continuait envers et contre tout !
A la fin, toutes abandonnèrent, sauf cette grenouille qui, seule et au prix d’un énorme effort, rejoignit la cime.
Les autres, stupéfaites, voulurent savoir comment elle avait fait.
A sa descente, l’une d’entre elles s’approcha pour lui demander comment elle avait fait pour terminer l’épreuve.
Et découvrit qu’elle… était sourde !
Cette histoire de grenouilles nous invite à rester sourds à tous ceux qui nous disent que « c’est impossible », à tout ce qui nous décourage d’aller au bout de notre désir le plus vrai.
Prier sans se décourager
Ne pas se laisser décourager est bien sûr le thème central des textes de ce dimanche.
Moïse a besoin de son frère Aaron et de Hour pour le soutenir dans son intercession, les bras levés. S’il « baisse les bras » (l’expression en français vient de là), le peuple perdra le combat.
Le psaume 120, comme bien des psaumes, cherche lui aussi du courage dans la prière : « Je lève les yeux vers les montagnes : d’où le secours me viendra-t-il ? »
Et Jésus enfonce le clou avec sa parabole « pour montrer à ses disciples qu’il faut toujours prier sans se décourager ».
La prière est un combat où le découragement nous guette immanquablement tôt ou tard : devant le silence de Dieu, devant le temps qui passe et où il ne se passe rien, devant tant d’injustices qui se répètent à longueur d’années, de siècles…
Pourtant, prier sans se décourager, c’est trouver du courage en priant.
Et saint Paul rajoute à la prière l’Écriture comme source de courage : « tu connais les textes sacrés : ils ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, celle qui conduit au salut par la foi que nous avons en Jésus Christ ».
La question de ce dimanche taraude bien des ‘combattants de la survie ordinaire’.
Aujourd’hui comme hier, où trouver la force pour continuer à chercher du travail quand on est chômeur depuis trop longtemps ? Où trouver l’énergie pour continuer à se battre pour ses enfants quand on est une femme seule ? Comment ne pas sombrer dans l’alcool ou la dépression lorsqu’on est à la rue ? Où trouver un soutien pour ne pas « baisser les bras » lorsqu’on entre en chimiothérapie ? lorsque la mort nous enlève un être proche ?
Comment apprendre à devenir cette grenouille sourde : sourde à la fatigue, à l’échec, à la frustration, à la peur… ?
Du coeur à l’ouvrage
Le mot courage en français vient du latin cor, le coeur. Quelques expressions en gardent la trace : « avoir du coeur à l’ouvrage », c’est le signe du courage. « Perdre coeur » au contraire, c’est abandonner peu à peu le combat.
Le courage et le coeur ont partie liée. Non pas au plan sentimental, mais anatomique : le coeur est cette formidable pompe qui injecte à tout l’organisme le combustible et l’énergie nécessaires à l’activité de l’ensemble. Aller puiser du courage, c’est retrouver en soi la pompe à énergie qui va galvaniser l’effort et le faire durer. Le coureur de fond harmonise les battements de son coeur avec ses pieds et sa respiration, pour tenir bon des kilomètres durant, sans points de côté, sans se décourager.
On comprend alors pourquoi Jésus, le psaume et Moïse lient le courage et la prière.
Prier, c’est se recentrer sur le coeur de soi-même en Dieu, ou de Dieu en soi-même…
Prier, c’est revenir à l’essentiel de ce qui nous anime, et ainsi laisser à nouveau le sang de la confiance irriguer nos combats, même les plus longs, même ceux qui nous semblent interminables…
La prière n’est pas ‘expéditive’
Notre vieux fond païen rêverait une prière « expéditive ». Lorsque le résultat d’une telle demande païenne se fait attendre, nous sommes découragés. On a même inventé un saint dans nos églises pour cultiver cette tendance « expéditive » de la prière : c’est justement… Saint Expédit ! Le jeu de mot qui découle du nom de saint Expédit en dit long sur notre impatience !
La légende faisait de saint Expédit un commandant Romain d’Arménie, converti au Christ et décapité pour cette raison en 303 par l’empereur Dioclétien. Le pape Pie XI a rayé son nom du martyrologe romain en 1905, mais rien n’y fait : on continue à espérer de lui un traitement en colissimo de nos prières urgentes… Sans doute à cause de la légende de sa conversion. On raconte qu’Expédit était sur le point de demander le baptême lorsqu’un corbeau arriva en criant : ‘Cras ! cras ! cras ! cras !’ (ce qui signifie : ?demain !’, en latin, et cela ressemble au croassement du corbeau). Expédit l’écrasa en criant à son tour : ‘Hodie ! hodie ! hodie ! hodie !’ (?aujourd’hui !’). Expédit est donc souvent représenté portant la palme du martyre, écrasant un corbeau, avec les inscriptions : Cras ! Hodie !
Mais la ferveur populaire oublie que c’est sur la conversion que porte la rapidité « expéditive » de la prière du saint, pas sur la réalisation d’une demande dans la prière !
La conversion peut être expéditive, la prière plus rarement…
Voilà pourquoi il nous faut apprendre à « toujours prier sans se décourager jamais ».
« Luttez avec moi dans la prière », écrit Saint-Paul (Rm 15,30).
La faim heureuse
Telle la grenouille sourde, celui qui va puiser du courage dans la prière et l’Écriture découvrira en cours d’ascension ce que saint Augustin appelait la « faim heureuse ». Rien à voir avec le Happy End d’Hollywood ! Mais la lente transformation qu’opère en nous la fidélité qui ne se décourage pas d’attendre, qui ne se décourage pas de se battre encore et encore :
« Quand Dieu tarde à vous donner, c’est, non pour vous refuser ses dons, mais pour vous les faire apprécier. On reçoit avec plus de joie ce qu’on a désiré longtemps ; on n’apprécie pas ce qu’on obtient trop vite. Demandez, cherchez, insistez. En demandant et en cherchant vous grandissez, et vous vous préparez à recevoir ce que vous demandez. Dieu vous réserve ce qu’il ne veut pas vous donner tout de suite, afin que vous appreniez à désirer avec grandeur de grandes choses. Nous demandons ce que nous devons posséder éternellement, ce qui doit nous rassasier éternellement. Mais pour être rassasiés, ayons faim et soif. Il a été dit : « bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice » ; la faim peut donc quelquefois être heureuse ? Oui, lorsqu’elle prépare au rassasiement, car si vous n’aviez que dégoût, vous n’arriveriez pas à la possession des trois pains »
(saint Augustin : sermon LXI, 5 & 6).
1ère lecture : Moïse ne baisse pas les bras (Ex 17, 8-13)
Lecture du livre de l’Exode
Le peuple d’Israël marchait à travers le désert.
Les Amalécites survinrent et attaquèrent Israël à Rephidim.
Moïse dit alors à Josué : « Choisis des hommes, et va combattre les Amalécites. Moi, demain, je me tiendrai sur le sommet de la colline, le bâton de Dieu à la main. »
Josué fit ce que Moïse avait dit : il livra bataille aux Amalécites. Moïse, Aaron et Hour étaient montés au sommet de la colline.
Quand Moïse tenait la main levée, Israël était le plus fort. Quand il la laissait retomber, Amalec était le plus fort.
Mais les mains de Moïse s’alourdissaient ; on prit une pierre, on la plaça derrière lui, et il s’assit dessus. Aaron et Hour lui soutenaient les mains, l’un d’un côté, l’autre de l’autre. Ainsi les mains de Moïse demeurèrent levées jusqu’au coucher du soleil.
Et Josué triompha des Amalécites au tranchant de l’épée.
Psaume : Ps 120, 1-2, 3-4, 5-6, 7-8
R/ Notre secours, c’est Dieu, le Maître du monde !
Je lève les yeux vers les montagnes :
d’où le secours me viendra-t-il ?
Le secours me viendra du Seigneur
qui a fait le ciel et la terre.
Qu’il empêche ton pied de glisser,
qu’il ne dorme pas, ton gardien.
Non, il ne dort pas, ne sommeille pas,
le gardien d’Israël.
Le Seigneur, ton gardien, le Seigneur, ton ombrage,
se tient près de toi.
Le soleil, pendant le jour, ne pourra te frapper,
ni la lune, durant la nuit.
Le Seigneur te gardera de tout mal,
il gardera ta vie.
Le Seigneur te gardera, au départ et au retour,
maintenant, à jamais.
2ème lecture : Méditer l’Écriture pour proclamer la Parole(2Tm 3, 14-17; 4, 1-2)
Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre à Timothée
Fils bien-aimé,
tu dois en rester à ce qu’on t’a enseigné : tu l’as reconnu comme vrai, sachant bien quels sont les maîtres qui te l’ont enseigné.
Depuis ton plus jeune âge, tu connais les textes sacrés : ils ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, celle qui conduit au salut par la foi que nous avons en Jésus Christ.
Tous les textes de l’Écriture sont inspirés par Dieu ; celle-ci est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice ; grâce à elle, l’homme de Dieu sera bien armé, il sera pourvu de tout ce qu’il faut pour faire un bon travail.
Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui doit juger les vivants et les morts, je te le demande solennellement, au nom de sa manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, mais avec une grande patience et avec le souci d’instruire.
Evangile : Parabole de la veuve qui demandait justice sans se décourager (Lc 18, 1-8)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Jésus dit une parabole pour montrer à ses disciples qu’il faut toujours prier sans se décourager :
« Il y avait dans une ville un juge qui ne respectait pas Dieu et se moquait des hommes.
Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : ‘Rends-moi justice contre mon adversaire.’
Longtemps il refusa ; puis il se dit : ‘Je ne respecte pas Dieu, et je me moque des hommes, mais cette femme commence à m’ennuyer : je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse me casser la tête.’ »
Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge sans justice !
Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Est-ce qu’il les fait attendre ?
Je vous le déclare : sans tarder, il leur fera justice. Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » Patrick Braud