Agents de service
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Homélie du 19° Dimanche du temps ordinaire / Année C
08/08/2010
Trois béatitudes en quelques lignes : l’événement est suffisamment rare pour ne pas laisser passer cette particularité de notre passage d’Évangile.
On est habitué aux quatre « heureux » des béatitudes de Luc (Lc 6), et plus encore au huit béatitudes qu’on trouve chez Mathieu (Mt 5).
On oublie ces trois autres déclarations de bonheur que Jésus fait ici.
Or ces trois promesses – « qui feront des heureux » – sont toutes en lien avec le service, actif et vigilant :
- « heureux les serviteurs que le maître trouvera en train de veiller »
- « s’il revient à minuit et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils ! »
- « heureux serviteur que son maître, en arrivant, trouvera à son travail ».
L’insistance est si forte qu’on se dit qu’il y a là une clé pour aujourd’hui encore.
Se mettre au service, rester vigilants et actifs en ce service, c’est une source de bonheur pour demain (« lorsque le maître viendra »).
Pour demain : car, contrairement à ce qu’on croit trop facilement (parce qu’on voudrait utiliser la foi pour être heureux, c’est-à-dire se servir de la foi au lieu de la servir?), Jésus ne promet pas ici de bonheur immédiat. Il l’annonce pour le moment du retour du maître, c’est-à-dire de son retour à lui. D’ici là, il faut tenir, veiller sans voir venir, continuer à servir alors qu’apparemment on est tout seul et que le Christ semble bien loin…
Allusion sans doute aux premières générations des chrétiens, confrontés à la persécution, qui devaient tenir bon, rester fidèles, sans autre espérance que celle de rencontrer le Christ dans la même Pâque que lui (le martyre).
Allusion aujourd’hui à la condition ordinaire des chrétiens : servir.
Servir la croissance du monde à travers leur vie professionnelle.
Servir la croissance de la vie à travers leur famille.
Servir la beauté de la création grâce à la culture, les arts etc…
En ce sens, l’Église est fondamentalement diaconale, parce que être disciple du Christ, c’est durer dans le service, la plupart du temps sans rien voir de l’utilité réelle de ce service (« mon maître tarde à venir »).
Si l’Église ordonne quelques uns diacres, cela c’est justement pour rappeler à tous que la diaconie (= le service) est la condition ordinaire de la responsabilité chrétienne.
Rappelez-vous la béatitude (semblable aux trois nôtres) du lavement des pieds dans l’Évangile de Jean : « heureux serez-vous, si du moins vous le mettez en pratique » (Jn 13,17). Cette promesse liée au lavement des pieds rejoint la promesse liée au service – vigilant et actif – de ce dimanche.
Voilà pourquoi on a besoin des diacres : pour rappeler à tout chrétien qu’il est appelé au service, service de Dieu et service du frère, indissociablement unis.
Parce que la vocation de l’Église est d’être diaconale, servante de l’humanité, il faut qu’elle ordonne quelques-uns pour le rappeler à tous.
De même qu’elle ordonne quelques uns prêtres pour rappeler à tous qu’ils ont à vivre leur sacerdoce baptismal, c’est-à-dire à offrir leur vie au Père par le Christ dans l’Esprit.
Vous le savez, c’est le Concile Vatican II qui a ouvert la voie de la restauration du diaconat permanent, si florissant dans les premiers siècles. C’est « en vue du service » que le Concile l’a fait (Lumen Gentium 29, 63). La lettre aux catholiques de France précisait en 1996 : « Il est exclu de célébrer en vérité le mystère de la foi en s’en tenant à l’action cultuelle. Car le Dieu sauveur s’est lui-même identifié aux pauvres et aux petits? Le ministère des diacres nous rappelle tout particulièrement ce lien fondamental entre service de Dieu et service des hommes ».
Les diacres permanents nous rappellent cette dimension essentielle de l’Église, pour que le sacrement de l’autel et celui du frère ne soient jamais séparés l’un de l’autre…
Où en suis-je de cette attitude fondamentale de service ?
Surtout si j’ai reçu beaucoup (car alors « on me réclamera davantage ») : comment rester actif et éveillé dans la mise à disposition pour autrui de mes talents, de mes charismes ?
En entreprise, servir ses collaborateurs est la marque des grandes figures patronales. Loin d’écraser leurs équipes, les grands capitaines d’industrie libèrent l’énergie de leurs associés, leur donnent les moyens de grandir, font confiance, délèguent, catalysent leur enthousiasme…
Le service passe alors par le partage du pouvoir, du vouloir, de l’avoir : servir une aventure professionnelle commune demande cette vigilance active dont parle Jésus. Toujours sur le qui-vive pour promouvoir un collaborateur, un projet, une opportunité ; pour susciter une vision commune où chacun va donner le meilleur de lui-même ; pour partager les informations nécessaires ; pour partager jusqu’aux résultats financiers?
Utopique ? Tant d’acteurs économiques – employés, ouvriers, cadres, actionnaires – ont été et sont toujours témoins que cette « utopie » du service est bien vivante et très féconde en entreprise ! Celui qui conçoit sa responsabilité comme un service, qu’il soit syndicaliste, opérateur sur une machine, hôtesse de caisse, cadre commercial ou grand patron, celui-là sait ce que Jésus veut dire : « heureux serviteur que son maître, en arrivant, trouvera à son travail ». Et le maître dont parle Jésus, c’est le maître des uns comme des autres, quelque soit leur position hiérarchique.
Chacun peut et doit répondre devant un « patron » plus grand que ceux qui l’entourent, et qui est commun à tous.
Or, lui répondre par le service – vigilant et actif – est le fondement du bonheur à venir…
Où en suis-je de cette attitude fondamentale de service ?…
Léon Harmel, figure du patronat chrétien « social »
1ère lecture : Dieu vient la nuit sauver son peuple (Sg 18, 6-9)
La nuit de la délivrance pascale avait été connue d’avance par nos Pères ; assurés des promesses auxquelles ils avaient cru, ils étaient dans la joie. Et ton peuple accueillit à la fois le salut des justes et la ruine de leurs ennemis. En même temps que tu frappais nos adversaires, tu nous appelais pour nous donner ta gloire. Dans le secret de leurs maisons, les fidèles descendants des justes offraient un sacrifice, et ils consacrèrent d’un commun accord cette loi divine : que les saints partageraient aussi bien le meilleur que le pire ; et déjà ils entonnaient les chants de louange des Pères.
Psaume : Ps 32, 1.12, 18-19, 20.22
R/ Bienheureux le peuple de Dieu !
Criez de joie pour le Seigneur, hommes justes !
Hommes droits, à vous la louange !
Heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu,
heureuse la nation qu’il s’est choisie pour domaine !
Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort,
les garder en vie aux jours de famine.
Nous attendons notre vie du Seigneur :
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous
comme notre espoir est en toi !
2ème lecture : La foi d’Abraham, modèle de la nôtre (brève : 1-2.8-12) (He 11, 1-2.8-19)
Frères,
la foi est le moyen de posséder déjà ce qu’on espère, et de connaître des réalités qu’on ne voit pas.
Et quand l’Écriture rend témoignage aux anciens, c’est à cause de leur foi.
Grâce à la foi, Abraham obéit à l’appel de Dieu : il partit vers un pays qui devait lui être donné comme héritage. Et il partit sans savoir où il allait.
Grâce à la foi, il vint séjourner comme étranger dans la Terre promise ; c’est dans un campement qu’il vivait, ainsi qu’Isaac et Jacob, héritiers de la même promesse que lui,
car il attendait la cité qui aurait de vraies fondations, celle dont Dieu lui-même est le bâtisseur et l’architecte.
Grâce à la foi, Sara, elle aussi, malgré son âge, fut rendue capable d’avoir une descendance parce qu’elle avait pensé que Dieu serait fidèle à sa promesse.
C’est pourquoi, d’un seul homme, déjà marqué par la mort, ont pu naître des hommes aussi nombreux que les étoiles dans le ciel et les grains de sable au bord de la mer, que personne ne peut compter.
C’est dans la foi qu’ils sont tous morts sans avoir connu la réalisation des promesses ; mais ils l’avaient vue et saluée de loin, affirmant que, sur la terre, ils étaient des étrangers et des voyageurs.
Or, parler ainsi, c’est montrer clairement qu’on est à la recherche d’une patrie.
S’ils avaient pensé à celle qu’ils avaient quittée, ils auraient eu la possibilité d’y revenir.
En fait, ils aspiraient à une patrie meilleure, celle des cieux. Et Dieu n’a pas refusé d’être invoqué comme leur Dieu, puisqu’il leur a préparé une cité céleste.
Grâce à la foi, quand il fut soumis à l’épreuve, Abraham offrit Isaac en sacrifice. Et il offrait le fils unique, alors qu’il avait reçu les promesses
et entendu cette parole :C’est d’Isaac que naîtraune descendance qui portera ton nom.
Il pensait en effet que Dieu peut aller jusqu’à ressusciter les morts : c’est pourquoi son fils lui fut rendu ; et c’était prophétique.
Evangile : Se tenir prêts pour le retour du Seigneur (brève : 35-40) (Lc 12, 32-48)
Jésus disait à ses disciples : « Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume.
Vendez ce que vous avez et donnez-le en aumône. Faites-vous une bourse qui ne s’use pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne ronge pas.
Car là où est votre trésor, là aussi sera votre coeur.
Restez en tenue de service, et gardez vos lampes allumées.
Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte.
Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour.
S’il revient vers minuit ou plus tard encore et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils !
Vous le savez bien : si le maître de maison connaissait l’heure où le voleur doit venir, il ne laisserait pas percer le mur de sa maison.
Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »
Pierre dit alors : « Seigneur, cette parabole s’adresse-t-elle à nous, ou à tout le monde ? »
Le Seigneur répond : « Quel est donc l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de ses domestiques pour leur donner, en temps voulu, leur part de blé ?
Heureux serviteur, que son maître, en arrivant, trouvera à son travail.
Vraiment, je vous le déclare : il lui confiera la charge de tous ses biens.
Mais si le même serviteur se dit : ‘Mon maître tarde à venir’, et s’il se met à frapper serviteurs et servantes, à manger, à boire et à s’enivrer,
son maître viendra le jour où il ne l’attend pas et à l’heure qu’il n’a pas prévue ; il se séparera de lui et le mettra parmi les infidèles.
Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a pourtant rien préparé, ni accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups.
Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, n’en recevra qu’un petit nombre. A qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage. »
Patrick Braud