L'homélie du dimanche (prochain)

6 juillet 2025

Ordo amoris : le samaritain d’abord !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Ordo amoris : le samaritain d’abord !


 Homélie pour le 15° Dimanche du Temps Ordinaire  / Année C
 13/07/25
 
 
Cf. également :
Elle est tout près de toi, cette Parole…
Les multiples interprétations du Bon Samaritain
Conjuguer le verbe aimer à l’impératif
J’ai trois amours
Aime ton Samaritain !
Réintroduisons le long-terme dans nos critères de choix
Parlez-moi d’amour, redites-moi des choses dures
L’amour du prochain et le « care »
Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?
La roue de Gaza

 

1. Ordo amoris : François versus J.D. Vance
Le vice-président américain – catholique de fraîche date – a fait le buzz début 2025 en essayant de justifier la brutalité de la politique migratoire de Donald Trump par un vieux concept augustinien qu’il revisitait à sa sauce : l’ordo amoris (l’ordre de l’amour).

Ordo amoris : le samaritain d’abord ! dans Communauté spirituelle vaticanmedis-1« Il y a un concept chrétien qui veut que l’on aime sa famille, puis ses voisins, puis sa communauté et ensuite ses compatriotes – avait-il déclaré – et enfin que l’on donne la priorité au reste du monde ».

Le pape François lui avait vertement répondu, par le biais d’une lettre aux évêques américains du 11/02/25 :

« Les chrétiens savent bien que c’est seulement en affirmant l’infinie dignité de tous que notre identité en tant que personnes et en tant que communautés atteint sa maturité. L’amour chrétien n’est pas une expansion concentrique d’intérêts qui s’étendent peu à peu à d’autres personnes et groupes. En d’autres termes : la personne humaine n’est pas un simple individu, relativement vaste, avec quelques sentiments philanthropiques ! La personne humaine est un sujet digne qui, par la relation constitutive avec tous, en particulier avec les plus pauvres, peut progressivement mûrir dans son identité et sa vocation. Le véritable ordo amoris qu’il faut promouvoir est celui que nous découvrons en méditant constamment sur la parabole du « Bon Samaritain » (Lc 10, 25-37), c’est-à-dire en méditant sur l’amour qui construit une fraternité ouverte à tous, sans exception » (n° 6).

Le 3 février 2025, le pape Léon XIV, alors cardinal Robert Francis Prevost, avait partagé un article d’opinion, sur son compte X, du site catholique National Catholic Reporter, intitulé : « JD Vance a tort : Jésus ne nous demande pas de classer notre amour pour les autres ».

On voit les enjeux des différentes lectures politiques de notre parabole de ce dimanche ! Pour les catholiques conservateurs comme J.D. Vance, le bon samaritain doit l’être pour ses proches, puis peut-être pour ses voisins, et enfin pour les étrangers de son pays si possible. Pour le pape Léon XIV (comme pour François), la fraternité doit être ouverte à tous, sans exception ni privilège. D’ailleurs, quand saint Augustin parle d’ordo amoris, c’est pour ordonner l’amour, c’est-à-dire lui assigner une finalité bonne, et lui éviter le désordre que serait l’amour clanique, l’amour mafieux, l’amour de l’argent ou de la violence. Un amour désordonné hiérarchise ses priorités selon ses centres d’intérêt.

Dans la pensée de saint Augustin, l’amour n’est pas réparti dans des cercles concentriques dont l’ego et ses préférences seraient la norme. Il s’agit d’aimer Dieu plus que tout et d’aimer tout en Dieu. Si donc on a l’idée de cercles concentriques, il faut garder à l’esprit que Dieu est au centre et qu’il éclaire tous les cercles par ses commandements. Or Dieu est absent de la phrase de J. D. Vance. De surcroît, l’ordo amoris n’implique pas d’agir aux dépens des autres. Saint Thomas d’Aquin disait lui-même : « Dans certains cas, on doit, par exemple, aider un étranger dans une situation d’extrême nécessité, plutôt que son propre père, si celui-ci n’est pas dans une situation aussi urgente » (ST, II-Il, q. 31 a. 3).

 

2. Le prochain, c’est le samaritain, pas le blessé !

Le problème avec notre parabole, c’est que pendant des siècles on en a fait une lecture moralisante, compassionnelle, individualiste, du style : « être chrétien, c’est soigner les blessés de la vie en s’approchant de chacun pour le soulager ». Ce qui n’est pas faux en soi, bien sûr. Mais ce n’est pas premier ! good2 parabole dans Communauté spirituelleEt pas besoin d’être chrétien pour pratiquer cela.
Ce qui est premier dans la foi, d’après la parabole, c’est aimer ceux qui ont été mes samaritains !

Le pape François l’avait noté avec finesse :

« Ayant conclu la parabole, Jésus renverse la question du docteur de la Loi et lui demande : « Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ?  »  (v. 36). La réponse est finalement sans équivoque : « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui » (v. 37). Au début de la parabole, pour le prêtre et le lévite, le prochain était le mourant ; au terme de celle-ci, le prochain est le samaritain qui s’est fait proche. Jésus renverse la perspective ».

Autrement dit :

« Ne cherche pas à classifier les autres pour voir qui est le prochain et qui ne l’est pas »

Un caillou dans la chaussure de Vance !

 

Qui devons-nous aimer ? Ceux qui nous ont sauvés à un moment ou un autre de notre vie.
Jésus semble dire : avant de hiérarchiser les solidarités (moi, ma famille, mon pays, les étrangers), commence par prendre conscience que tu es aimé, et sois plein d’amour envers ceux qui t’ont fait. Reconnaît que tu es dépendant de ces liens qui t’ont façonné gratuitement. Entend l’avertissement de l’apôtre Paul : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? »  (1Co 4,7)

L’amour, c’est d’abord recevoir.

Ensuite, bien sûr, la réception de ce don produit, appelle et suscite en retour un autre don, à d’autres. C’est ce que l’anthropologue Marcel Mauss appelait la logique du don / réception / contre-don. Ainsi circule entre les êtres une dette d’amour, insolvable, qui en se déplaçant crée entre nous une communion de destin, d’affection, de fraternité ouverte.

 

À ce titre, le premier samaritain de nos vies, c’est le Christ lui-même : reconnaître qu’il s’est approché de moi, m’a relevé de mes blessures et de la mort, a versé sur moi l’huile du baptême et le vin de l’eucharistie, m’a conduit à l’auberge–Église, où il a tout payé d’avance pour moi, c’est aimer le Christ comme mon samaritain à qui je dois tout : « Il m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2,20).

 

D’ailleurs, dans l’évangile de Luc, c’est Dieu lui-même qui éprouve la miséricorde (λεος =  eleos) du samaritain. Marie en est témoin la première : dans son Magnificat (« Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. [...] Il relève Israël son serviteur, il se souvient de sa miséricorde » Lc 1,50.54), et dans son partage avec ses voisins (« Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait montré la grandeur de sa miséricorde, et ils se réjouissaient avec elle » Lc 1,58).

Zacharie et Élisabeth chantent et célèbrent et se réjouissent du don de la miséricorde accordée à Israël à travers leur couple : « miséricorde qu’il montre envers nos pères, mémoire de son alliance sainte, [...] grâce à la tendresse, à la miséricorde de notre Dieu, quand nous visite l’astre d’en haut » Lc 1,72.78).

Dans le bréviaire (l’office des Heures), nous prions le Magnificat chaque soir et le cantique de Zacharie chaque matin : comment mieux exprimer qu’en christianisme c’est la réception qui est première, avant le faire qu’elle suscite en retour : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8).

 

De même, celui qui est « ému de compassion » (σπλαγχνζω = splanchnizō) dans l’évangile de Luc n’est autre que Dieu lui-même :

- le Christ, en voyant la détresse de la veuve de Naïm (« Le Seigneur, l’ayant vue, fut ému de compassion pour elle » Lc 7,13),

- Dieu le Père dans la parabole des deux fils (« Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, il courut se jeter à son cou et l’embrassa » Lc 15,20)

- le Samaritain de notre parabole « un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion » (Lc 10,33).

L’ordo amoris nous demande de mettre Dieu en premier, avant nos familles, nos proches ou nous-même…

 

Orthodoxie et orthopraxieSi nous sommes attentifs à la parabole, nous respecterons les deux temps de cette histoire : d’abord aimer le samaritain qui se fait mon prochain, puis faire de même. Dans cet ordre-là !

Sinon, nous réduisons la parabole à une fable moralisante, et la foi à une liste de bonnes actions à faire, ce qui relève de l’activisme mondain.

Continuer à appeler cette parabole « du bon samaritain » s’inscrit d’ailleurs dans cette ligne moralisante ou « être bon » compte plus que « être aimé ». Or comme dit Jésus : « Qui est bon sinon Dieu seul ? » (Lc 18,19)

 

La foi est plus grande que la morale, qui n’est au mieux qu’une conséquence. Ce n’est pas la morale qui a fait entrer le bon larron le premier au paradis, mais sa confiance, sa foi en Jésus : « Souviens-toi de moi… » (Lc 23,42).

 

De plus, les commentaires de notre parabole versent le plus souvent dans une morale individualiste, focalisée sur les relations interpersonnelles, sans voir les interactions systémiques, structurelles, car centrée sur les symptômes à soulager et non sur les causes à éliminer. Soigner les lépreux en se faisant proche de chacun de, c’est bien. Mais trouver le bacille de la lèpre par la recherche scientifique afin d’éradiquer la maladie, c’est mieux ! Les dames patronnesses du XIX° siècle apportaient des paniers de victuailles aux pauvres ouvriers des mines dont Zola dénonçait la misère, mais n’ont rien fait pour changer leur condition.

C’est toute la difficulté de tirer une morale politique des Évangiles. Convaincus de l’imminence de la venue du royaume de Dieu, ni Jésus ni ses disciples n’ont pris la peine de réfléchir à une société plus juste, à des structures plus humaines. Alors que les juifs rêvent d’un État théocratique où la Torah serait la règle, alors que les musulmans imposent la charia comme preuve de la soumission de toute la société à Allah, les chrétiens se sont tournés vers la Jérusalem céleste à venir aux temps derniers, ou vers le royaume de Dieu survenu dans l’intériorité spirituelle du cœur de chacun. Juifs et musulmans veulent déduire l’organisation de la société de leur foi. Les chrétiens sont renvoyés à leur conscience : « Qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? » (Lc 12,14).

 

Bref : pas facile d’articuler les dimensions micro et macro (microéconomie / macroéconomie par exemple) à partir du Nouveau Testament ! Jésus et ses apôtres n’ont pas choisi un régime politique, ils n’ont pas parlé des mécanismes financiers à mettre en place (contrairement à la Torah et au Coran), ni du sida, ni de la PMA, ni de l’euthanasie, ni de la gestion des flux migratoires etc. C’est au prix d’une un immense effort, et devant le scandale de la misère ouvrière XIX° siècle, que le magistère romain a fini par développer une pensée sociale cohérente : la Doctrine sociale de l’Église. Même cette doctrine ne prône pas de modèle unique, ni d’organisation impérative. Le discernement est la règle en christianisme, quand l’obéissance est première en judaïsme dans l’islam.

 

Cependant, les chrétiens continuent hélas à procéder par généralisation de l’attitude du samaritain, comme si additionner les générosités individuelles pouvait résoudre les problèmes collectifs de ce siècle…

 

3. Ni le culte, ni la Loi

Qu’est-ce qui peut nous empêcher d’aimer ainsi les Samaritains de notre vie ?

Le culte et la Loi, répond Jésus, avec une certaine impertinence provocatrice.

  • Grand prêtreLe prêtre – le Cohen – est obnubilé par le culte qu’il doit assurer au Temple de Jérusalem. Prendre le temps de s’arrêter, soigner ce blessé, prendre le risque de l’impureté rituelle à son contact, ce serait compromettre sa mission sacerdotale. Certains prêtres mettent ainsi le culte au-dessus de tout – encens, dorures, froufrous, processions, chasubles et statues – jusqu’à exercer une forme de cléricalisme sur leurs fidèles au nom de leur rôle liturgique. À l’extrême, cela donne les 15 maladies de la Curie romaine dénoncées sans ménagement par le pape François le 22/12/2014 devant des cardinaux médusés par tant de violence verbale : se croire indispensable, l’activisme forcené, la pétrification mentale et spirituelle, la fonctionnarisation, la mauvaise coordination, l’Alzheimer spirituelle, la vanité, la schizophrénie existentielle, la médisance, l’idolâtrie des chefs, l’indifférence, le visage dur, l’accumulation, les cercles fermés, l’exhibitionnisme…

  Bigre ! Impressionnant catalogue, qui explique pourquoi les Cohen d’aujourd’hui s’écartent encore des blessés sur leur route…

  • Le lévite quant à lui est obnubilé par la Loi. Il sait que toucher un cadavre est interdit par la Torah. Cette impureté légale l’obligerait à des rites compliqués et coûteux pour lever l’interdit. Le judaïsme et l’Islam ont toujours été particulièrement tentés par ce règne du permis/défendu en guise de religion. Manger casher ou manger halal, faire ses ablutions « comme il faut », porter une kippa ou un voile, éviter les nourritures non casher ou haram (défendu) : juifs et musulmans sont éduqués dans une religion où la liste des choses à faire ou à ne pas faire est plus importante que le contenu de la foi. Or en christianisme, c’est la foi qui sauve, et non les œuvres : c’est une orthodoxie, alors que judaïsme islam sont des orthopraxies.


Roue de Dorothée de GazaLa pointe de la parabole du samaritain n’est pas d’abord : « fais comme le samaritain » mais : « aime ton Samaritain ». La praxis est seconde (pas secondaire) en christianisme.

La parabole dénonce la loi du culte comme inhumaine quand elle est prioritaire sur tout, et le culte de la Loi comme idolâtrique et meurtrier quand il absolutise le permis et le défendu.

Le docteur de la Loi est un bon représentant de cette « maladie » du culte de la Loi. Le pape François notait avec justesse : « Cet homme pose une autre question, qui devient très précieuse pour nous : « Et qui est mon prochain ? » (v. 29), en sous-entendant : « Mes parents ? Mes concitoyens ? Ceux de ma religion ?… « . En somme, il veut une règle claire qui lui permette de classifier les autres entre les « prochains » et les « non-prochains », entre ceux qui peuvent devenir prochains et ceux qui ne peuvent pas devenir prochains ».

N’est-ce pas l’attitude de J.D. Vance, qui hiérarchise ses solidarités en cercles concentriques (et égocentriques !) ?

 

Répétons-le : à eux seuls, ni le culte ni la Loi ne peuvent nous sauver ni rendre le monde meilleur. Pire : la loi du culte pétrifie l’amour, le culte de la loi le rend impossible.

Comme le disait le pape François – qui décidément a longuement et souvent médité cette parabole du samaritain – :

« Que le Seigneur nous délivre des bandits – il y en a tellement ! –, qu’il nous libère des prêtres trop pressés, qui n’ont jamais le temps d’écouter, de voir, et doivent faire leurs choses ; qu’il nous libère des docteurs qui veulent présenter la foi en Jésus Christ comme une règle mathématique; et qu’il nous enseigne à nous arrêter, qu‘il nous enseigne cette sagesse de l’Évangile : « se salir les mains ». Que le Seigneur nous donne cette grâce ».

LECTURES DE LA MESSE

Première lecture
« Elle est tout près de toi, cette Parole, afin que tu la mettes en pratique » (Dt 30, 10-14)


Lecture du livre du Deutéronome
Moïse disait au peuple : « Écoute la voix du Seigneur ton Dieu, en observant ses commandements et ses décrets inscrits dans ce livre de la Loi, et reviens au Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme. Car cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. Elle n’est pas dans les cieux, pour que tu dises : ‘Qui montera aux cieux nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ?’ Elle n’est pas au-delà des mers, pour que tu dises : ‘Qui se rendra au-delà des mers nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ?’ Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. »


Psaume
(Ps 68, 14, 17, 30-31, 33-34, 36ab.37)
R/ Cherchez Dieu, vous les humbles et votre cœur vivra.


Moi, je te prie, Seigneur :
c’est l’heure de ta grâce ;
dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi,
par ta vérité sauve-moi.


Réponds-moi, Seigneur,
car il est bon, ton amour ;
dans ta grande tendresse,
regarde-moi.


Et moi, humilié, meurtri,
que ton salut, Dieu, me redresse.
Et je louerai le nom de Dieu par un cantique,
je vais le magnifier, lui rendre grâce.


Les pauvres l’ont vu, ils sont en fête :
« Vie et joie, à vous qui cherchez Dieu ! »
Car le Seigneur écoute les humbles,
il n’oublie pas les siens emprisonnés.


Car Dieu viendra sauver Sion
et rebâtir les villes de Juda.
patrimoine pour les descendants de ses serviteurs,
demeure pour ceux qui aiment son nom.


Deuxième lecture
« Tout est créé par lui et pour lui » (Col 1, 15-20)


Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens
Le Christ Jésus est l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui.
Il est aussi la tête du corps, la tête de l’Église : c’est lui le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin qu’il ait en tout la primauté. Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel.


Évangile
« Qui est mon prochain ? » (Lc 10, 25-37)
Alléluia. Alléluia.
Tes paroles, Seigneur, sont esprit et elles sont vie ; tu as les paroles de la vie éternelle. Alléluia. (cf. Jn 6, 63c.68c)


Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, un docteur de la Loi se leva et mit Jésus à l’épreuve en disant : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? » L’autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. » Jésus lui dit : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. » Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » Jésus reprit la parole : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort. Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté. Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion. Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : ‘Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.’ Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? » Le docteur de la Loi répondit : « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. » Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. »
Patrick BRAUD

 

 

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29 juin 2025

Schadenfreude : quelle est la vôtre ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 14 h 30 min

Schadenfreude : quelle est la vôtre ?


Homélie pour le 14° Dimanche du Temps Ordinaire / Année C
 06/07/25
 
 
Cf. également :
Voyagez léger et court-vêtu !
Secouez la poussière de vos pieds
Le baptême du Christ : une histoire « sandaleuse »
Je voyais Satan tomber comme l’éclair
Les 72
Briefer et débriefer à la manière du Christ
Qu’est-ce qui peut nous réjouir ?

 

Le pas de danse d’Hitler

L’archive audiovisuelle est glaçante. 

Hitler vient inspecter le 21 juin 1940 la clairière de Rethondes, où il a fait venir le wagon-symbole de l’humiliation allemande, celui-là même où l’armistice fut signé par le maréchal Foch et les généraux allemands lors de la défaite de 1918. On voit Hitler descendre du wagon, tout sourire, laissant même éclater sa joie en esquissant un pas de danse comme rarement. Ce triomphe jubilatoire crée en nous malaise et dégoût, à juste titre. Comment peut-on se réjouir du malheur d’autrui à ce point ? Comment se réjouir de la domination, des milliers de morts, de blessés, de réfugiés qui en sont le prix ? La joie d’Hitler est pire encore : il rend le mal pour le mal. Il répond à une humiliation par une autre, plus grande. C’est donc plus qu’un simple plaisir face au malheur : c’est une mise en scène théâtrale de vengeance historique, nourrie par le ressentiment et l’humiliation collective. On pourrait presque parler d’un sadisme politique symbolique, un geste de jouissance narcissique dans l’abaissement de l’autre.

 

Quel rapport entre Hitler à Rethondes et notre Évangile (Lc 10,1–20), me direz-vous ? Lisez bien la dernière phrase du texte : « Ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux ».

Les 72 n’esquissent pas de pas de danse, mais leur joie est symétrique de celle d’Hitler, à camps renversés : ils se réjouissent de la défaite totale des forces du mal. Et, après tout, nous ferions sûrement comme eux ! Songez à la liesse populaire lors de la libération de Strasbourg ou Paris, à l’ivresse des Roumains crachant sur les cadavres des Ceausescu, ou plus simplement à la joie bizarre des supporters lorsque le joueur de foot adverse manque son penalty… À Roland-Garros, il est de tradition (mais la tradition se perd !) de ne pas applaudir un point gagné sur une faute directe. Car l’éthique sportive se méfie comme de la peste de cette joie mauvaise qui guette les aficionados : lorsque le malheur des uns fait le bonheur des autres, alors la violence n’est jamais bien loin, et l’inhumanité progresse.

 

SchadenfreudeLes Allemands ont un terme bien spécifique pour nommer cette joie maligne : Schadenfreude. Schaden désigne le dommage causé à autrui : si cela engendre de la joie (Freude) en nous – même si l’autre est dans son tort – nous sommes les 72, à nous tromper de motif pour nous réjouir. 

Nous n’avons pas l’équivalent en français. On parlera de joie mauvaise, ou maligne, de se réjouir du malheur d’autrui, d’éprouver un malin plaisir… 

La Schadenfreude repose sur un sentiment d’injustice réparée : « C’est bien fait ! » « Il l’a bien mérité… ». Mais c’est une réparation « œil pour œil, dent pour dent », qui hélas n’arrête pas la violence. Elle la propage au contraire. Comme le cycle infernal des attentats–représailles entre Gaza et Israël : les militants du Hamas exultaient lors du massacre (pogrom) du 7 octobre 2023, en pensant : « C’est bien fait pour les juifs ! ». Et certains en Israël se réjouissent des frappes en retour sur Gaza : « Les Palestiniens n’ont que ce qu’ils méritent ». Tant que chacun se réjouit du malheur de l’autre, la violence prolifère.

 

D’où vient cette Schadenfreude ? Comment la Bible et les auteurs anciens en ont-ils parlé ? Quel serait l’antidote proposé par Jésus ?

 

Aristote, déjà…

Au IV° siècle avant J.-C., Aristote pointait déjà ce qu’il qualifiait de « vice moral » et qu’il appelait en grec : πχαιρέκκος  = epĭkhairékăkos).

Éthique à NicomaqueCe nom peut se traduire littéralement par : la joie (epi-khaírō = se réjouir de) née du mal (kăkós = le mal). Cette joie-là est incompatible avec les vertus telles que la grandeur d’âme et l’amitié. Aristote la distingue de l’envie et de l’indignation, en la caractérisant par une joie malveillante face au malheur d’autrui.

Aristote distingue plusieurs attitudes face au bonheur ou au malheur d’autrui :

« L’indignation que cause le bonheur immérité d’autrui tient le milieu entre l’envie et la malignité ; ces sentiments ont rapport à la peine et au plaisir causés par ce qui arrive aux autres. C’est qu’en effet l’homme qui ressent cette indignation s’afflige d’un bonheur immérité, tandis que l’envieux, allant plus loin, s’afflige du bonheur d’autrui, en toutes circonstances, et celui qui est réellement atteint de malignité, loin de s’affliger du malheur d’autrui, s’en réjouit » (Éthique à Nicomaque, Livre II, ch. 7 – Sur la malignité). 

Plus loin, dans sa discussion sur la grandeur d’âme (megalopsychia), Aristote souligne que l’homme magnanime « ne se réjouit pas des malheurs d’autrui, mais plutôt s’afflige de leur infortune » (Livre IV, ch. 6). Cela montre que la Schadenfreude est incompatible avec la vertu de grandeur d’âme, qui implique compassion et bienveillance. Elle est également incompatible avec l’amitié : « les amis se réjouissent des biens de leurs amis et s’attristent de leurs maux » (Livre IX, ch. 4). Ainsi, la Schadenfreude est contraire à l’essence même de l’amitié, qui repose sur la sympathie et le partage des émottions.

Thomas d’Aquin a traduit ce terme πχαιρέκκος par l’expression latine : « gaudium de malo » = la joie provenant du malheur fait à autrui.

 

Les philosophes se sont également intéressés à « la joie malsaine ». Nul n’a été plus clair que Schopenhauer, qui l’a rangée du côté de la corruption morale :

« Ressentir de l’envie est humain, se réjouir du malheur d’autrui est diabolique ».

« Il n’y a pas de signe plus infaillible d’un cœur foncièrement mauvais que la Schadenfreude pure et sincère. Il faut éviter à jamais celui en qui on l’a perçue ». « La Schadenfreude est étroitement liée à la cruauté ». 

 

Le révérend Trench, un archevêque britannique du XIX° siècle, a d’ailleurs écrit qu’avoir un mot pour une émotion aussi damnable était la preuve de la corruption d’une culture !

 

Pierre DesprogesÀ l’opposé de Schopenhauer, Nietzsche constatait cyniquement : « Voir les autres souffrir fait du bien ». Dans « Le Voyageur et son ombre », il analyse la Schadenfreude comme une manifestation du désir d’égalité : « La Schadenfreude naît du fait que chacun se sent mal dans certains aspects bien connus de lui-même, éprouve de l’inquiétude, de l’envie ou de la douleur : le malheur qui frappe l’autre le met à égalité avec lui, apaise son envie. [...] La Schadenfreude est l’expression la plus commune de la victoire et du rétablissement de l’égalité, même au sein de l’ordre supérieur du monde. Ce n’est que depuis que l’homme a appris à voir en d’autres hommes ses semblables, donc depuis la fondation de la société, que la Schadenfreude existe ». La revanche du dominé, en quelque sorte.

On comprend que les nazis se soient emparés de cette justification pour rire en brûlant les livres et œuvres d’art « dégénérées », en jouissant et se réjouissant du châtiment frappant les juifs dans les camps de la mort…

Pierre Desproges ne disait-il pas, avec son ironie habituelle :

« Il ne suffit pas d’être heureux, encore faut-il que les autres soient malheureux » ?…

Friedrich Schiller dénonce la Schadenfreude comme une vengeance mesquine contre la grandeur d’autrui : « Apprenez à connaître cette race, fausse et sans cœur ! C’est par la Schadenfreude qu’ils se vengent de votre bonheur, de votre grandeur » (Die Braut von Messina, 1803).

L’Analyse Transactionnelle a repéré que chacun peut rire de lui-même et de ses propres malheurs, dans un réflexe d’auto-dérision où le rire vient confirmer la piètre idée que l’on se fait de soi : « tu n’es vraiment bon à rien »… Une Schadenfreude retournée contre nous-même, que l’on appelle : « le rire du pendu » ! Car certains brigands autrefois pendus à la potence ironisaient sur leur propre fiasco, convaincus de mériter leur fin pitoyable… Cette joie autodestructrice interprète le moindre aléa comme la confirmation de notre nullité, ce qui en coaching relève d’une « croyance limitante », nous paralysant dans notre progression personnelle.


La Schadenfreude dans la Bible

Fins observateurs de la nature humaine, les auteurs bibliques n’ont pas manqué eux aussi de croquer cette inclination à la Schadenfreude, présente même chez les meilleurs, même chez les croyants les plus fidèles. Ainsi le livre des Proverbes avertit explicitement et solennellement : « Si ton ennemi tombe, ne te réjouis pas ; s’il s’effondre, ne jubile pas : le Seigneur verrait cela d’un mauvais œil et détournerait de lui sa colère ! » (Pr 24,17-18). Ici, la Bible va jusqu’à dire que se réjouir du malheur d’un ennemi est mal vu par Dieu lui-même, et peut détourner la justice divine.

Schadenfreude : quelle est la vôtre ? dans Communauté spirituelle LHEVIII_5b111903ae527_moleiro.com-LHEVIII-Jobenelmuladar_6Les textes sapientiaux multiplient les condamnations de cette attitude, car Dieu – lui – fait pleuvoir sur les bons et sur les méchants.

« Qui se moque d’un pauvre insulte Dieu qui l’a fait, qui se réjouit du malheur ne restera pas impuni » (Pr 17,5).

Job lui-même proteste de son innocence en rappelant à Dieu que la Schadenfreude lui est étrangère, ce qui à ses yeux est une preuve de sa justice. « Me suis-je réjoui de la ruine de mon ennemi ? Ai-je bondi de joie quand le malheur le frappait ? Jamais je n’ai laissé ma langue pécher en réclamant sa vie par une imprécation ! » (Jb 31,29–30).

La réprobation des sages est unanime : « Ils [les injustes] prennent plaisir à faire le mal, ils se complaisent dans la pire des perversités » (Pr 2,14).

 

Les prophètes d’Israël dénoncent eux aussi l’inhumanité de ceux qui se réjouissent de la chute de Jérusalem (en -587) : « Tous les passants du chemin battent des mains contre toi ; ils sifflent et hochent la tête devant la fille de Jérusalem : “Est-ce la ville que l’on disait “Toute-belle”, “Joie de toute la terre” ?” Contre toi ils ouvrent la bouche, tous tes ennemis, ils sifflent et grincent des dents ; ils disent : “Nous l’avons engloutie ! Voilà bien le jour que nous espérions : nous y arrivons, nous le voyons !” Le Seigneur fait ce qu’il a résolu, il accomplit sa parole décrétée depuis les jours d’autrefois : il détruit sans pitié ! Il réjouit à tes dépens l’ennemi, il accroît la force de tes adversaires » (Lm 2,15–17). Ce comportement est cruel, injuste, et passible du jugement divin. 

Les nations voisines, comme Édom et Moab, jubilent en voyant la chute du royaume de Juda. Leur joie malveillante leur vaudra le châtiment de Dieu en retour : « Ne regarde pas avec plaisir le jour de ton frère, le jour de son désastre. Ne te réjouis pas au sujet des fils de Juda, le jour de leur perdition. N’aie pas le verbe haut, le jour de la détresse » (Abdias 1,12). Dieu condamne cette Schadenfreude collective, vue comme une trahison fraternelle.

« Ainsi parle le Seigneur Dieu : Parce que tu as battu des mains et tapé du pied, que tu as eu une joie profonde, un mépris total pour ce qui arrivait à la terre d’Israël… » (Ez 25,6). Ici encore, des peuples se réjouissent activement et publiquement du malheur d’Israël — avec des gestes physiques de joie. Dieu y voit une profanation. Amos leur transmet la conséquence inévitable de leur manque de compassion : « Ainsi parle le Seigneur : À cause de trois crimes d’Édom, et même de quatre, je l’ai décidé sans retour ! Parce qu’il a poursuivi de l’épée son frère, étouffant sa pitié, et entretenu sans fin sa fureur, gardant à jamais sa rancune, j’enverrai un feu dans Témane, et il dévorera les palais de Bosra » (Am 1,11–12).

 

Dans le livre d’Esther, le premier ministre perse Amane jubile à l’idée de faire pendre Mardochée, le juif. Il prépare même la potence. Finalement, grâce à Esther, c’est lui-même qui sera pendu sur cette même potence ! La Schadenfreude d’Amane devient son châtiment. C’est là une des constantes de la Bible : le mal finit toujours par se retourner contre son auteur, et par causer sa perte.

 

Bosch Portement de croixLe Nouveau Testament reprend ce triste constat de l’inhumanité de ceux qui se réjouissent du malheur d’autrui. Ainsi les spectateurs de la crucifixion de Jésus (les foules exultent souvent aux exécutions) : « Les passants l’injuriaient en hochant la tête » (Mt 27,39). On y entend l’écho de la Schadenfreude des contempteurs de Jérusalem applaudissant sa destruction : « Tous les passants du chemin battent des mains contre toi ; ils sifflent et hochent la tête devant la fille de Jérusalem… » (Lm 2,15–17).…

Jésus avait prévenu ses disciples : le monde se réjouira de les voir livrés aux fauves dans les arènes romaines, ou lapidés par les juifs, ou brûlés en torches humaines par Néron : « Amen, amen, je vous le dis : vous allez pleurer et vous lamenter, tandis que le monde se réjouira ; vous serez dans la peine, mais votre peine se changera en joie » (Jn 16,20).

 

Les grands prêtres se réjouissent de la trahison de Judas qui leur livre leur adversaire sur un plateau : « Judas Iscariote, l’un des Douze, alla trouver les grands prêtres pour leur livrer Jésus. À cette nouvelle, ils se réjouirent et promirent de lui donner de l’argent. Et Judas cherchait comment le livrer au moment favorable » (Mc 14,10–11).

 

Dans la parabole du fils prodigue, le fils aîné témoigne d’une forme subtile de ‘Schadenfreude inversée’ en quelque sorte : il voulait voir son frère souffrir en expiation de sa désertion familiale, et cela l’aurait réjoui, car à ses yeux ce ne serait que justice. D’où son amertume devant la miséricorde imméritée accordée par son Père. Il refuse de se réjouir du retour de son frère, et semble déçu qu’il n’ait pas été puni : « Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : “Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !” » (Lc 15,28-30)

L’amertume face à la miséricorde accordée à autrui est un indice de l’emprise de la Schadenfreude sur nous…

 

La dénonciation biblique de la Schadenfreude met en évidence les racines cachées de ce mépris :

– une conception mécanique de la justice, conçue comme essentiellement punitive : « il l’a bien mérité ! ». Or la justice divine est salvifique, et non meurtrière : « Je ne veux pas la mort du méchant, mais qu’il se convertisse » (Ez 18,23).

– l’absence d’empathie : si vous arrivez à « chausser les mocassins de votre ennemi », à vous mettre à sa place, vous aurez du mal à vous réjouir de son malheur.

- le ressentiment : si une mésaventure arrive à une personne que nous n’aimons pas ou qui s’est mal comportée avec nous, la sensation serait liée à un sentiment de restauration de l’ordre naturel, rétablissant en quelque sorte à l’équilibre. C’est la revanche du dominé.

- la déshumanisation. Déshumaniser autrui – que ce soit l’ennemi juif ou gazaoui, ukrainien ou russe, le migrant mexicain ou l’adversaire politique – permet de ressentir de la joie face à l’échec d’une personne ou d’un groupe. Chaque fois qu’on traite quelqu’un de noms d’animaux, de choses grossières ou d’objets repoussants, on prépare l’opinion à rire de son malheur. L’antisémitisme nazi avait bien compris ce ressort de la haine populaire…

– l’aveuglement sur nous-mêmes. Ceux qui n’ont pas d’intériorité, de vie spirituelle ou morale auront du mal à discerner les mouvements qui les animent, et plus encore à les qualifier. Applaudir au malheur d’autrui leur semblera aussi naturel que de prendre de force ce qu’ils convoitent. Sans une éducation au discernement de nos émotions, sans une pédagogie d’apprentissage de l’empathie, comment s’étonner que certains cèdent à la Schadenfreude sans complexe ?

 

L’antidote de Jésus à la Schadenfreude

« Ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux ».

Luc-1017-24 72 dans Communauté spirituelleVoilà l’antidote : non seulement refuser de céder à l’inclination à la joie malsaine, mais orienter sa joie vers ce qui – en Dieu – est positivement une bonne nouvelle, inaliénable : « nos noms sont écrits dans les cieux ». Paul le redira à sa manière : « L’amour ne se réjouit pas de ce qui est injuste, il trouve sa joie dans ce qui est vrai » (1Co 13,6).

Dans un premier temps, la menace de nous exposer à ce que notre mépris se retourne contre nous devrait nous faire réfléchir lorsque nous sommes tentés de rire du malheur d’autrui. C’est la version Schadenfreude du constat de Jésus : « celui qui vit par l’épée périra par l’épée » (Mt 26,52).

Cet avertissement ne suffit pas : nous pouvons apprendre à désirer ce qui est vrai, ce qui est bien, ce qui est beau, au lieu de nous laisser avilir à des réjouissances malsaines. Et Jésus oriente notre désir vers la contemplation de la gratuité absolue du salut qui nous est offert en lui : « Vos noms sont écrits dans les cieux ». C’est fait ; c’est déjà réalisé ! Pas besoin d’angoisser ni de vouloir le « mériter » : il suffit d’accueillir ! Marie le sait d’expérience, depuis la parole de Gabriel : « L’ange entra chez elle et dit : « Réjouis-toi (χαρω = chairō), comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi ! » (Lc 1,28 ; cf. So 3,14 ; Za 9,9).

 

Il y a une manière divine d‘écrire les noms humains pour les graver à jamais en lui. 

Name and rejoice en quelque sorte, au lieu de Name and shame… 

 JésusCe que nous pouvons faire nous aussi avec ceux que nous aimons à jamais. À la manière du grand-prêtre qui portait sur sa poitrine les noms des douze tribus d’Israël : « Les pierres étaient aux noms des fils d’Israël ; comme leurs noms, elles étaient douze, écrites (gravées) dans la pierre à la manière d’un sceau ; chacune portait le nom de l’une des douze tribus » (Ex 39,14). À la manière également de Paul qui chérit les communautés qu’il a engendrées, et les compare à une lettre écrite par le Christ dans le cœur des fidèles : « Notre lettre de recommandation, c’est vous, elle est écrite dans nos cœurs, et tout le monde peut en avoir connaissance et la lire. De toute évidence, vous êtes cette lettre du Christ, produite par notre ministère, écrite non pas avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non pas, comme la Loi, sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs » (2Co 3,2-3).

Nos noms sont inscrits dans les cieux, gravés sur le pectoral du Grand-Prêtre, écrits en nos cœurs par l’Esprit du Dieu vivant, formant en nous une lettre de chair au lieu de la Loi de pierre… À la fin des temps, nous auront la surprise de découvrir notre vrai nom écrit sue la caillou que Dieu remettra en chacun en signe de sa véritable identité divine : « Au vainqueur je donnerai de la manne cachée, je lui donnerai un caillou blanc, et, écrit sur ce caillou, un nom nouveau que nul ne sait, sauf celui qui le reçoit » (Ap 2,17).

Pour la Bible, écrire le nom de quelqu’un sur la pierre, dans les cieux, dans les cœurs ou sur la terre – comme Jésus pourrait l’avoir fait face à ses accusateurs devant la femme adultère – est donc lourd de sens !

 

Lorsque nous aurons envie de sourire, de rire ou d’applaudir au malheur d’autrui ‑ même le plus cruel de nos ennemis – rappelons-nous le pas de danse d’Hitler dans la clairière de Rethondes. Rappelons-nous surtout la bonne nouvelle affirmée par Jésus : « Vos noms sont écrits dans les cieux ».

La Schadenfreude est réellement inhumaine.

Mais, au fait : quelle est la vôtre ?…

 

Lectures de la messe


Première lecture
« Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve » (Is 66, 10-14c)


Lecture du livre du prophète Isaïe
Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez pleins d’allégresse, vous tous qui la pleuriez !
Alors, vous serez nourris de son lait, rassasiés de ses consolations ; alors, vous goûterez avec délices à l’abondance de sa gloire. Car le Seigneur le déclare : « Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve et, comme un torrent qui déborde, la gloire des nations. » Vous serez nourris, portés sur la hanche ; vous serez choyés sur ses genoux. Comme un enfant que sa mère console, ainsi, je vous consolerai. Oui, dans Jérusalem, vous serez consolés. Vous verrez, votre cœur sera dans l’allégresse ; et vos os revivront comme l’herbe reverdit. Le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs.


Psaume
(Ps 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20)
R/ Terre entière, acclame Dieu, chante le Seigneur !
 (cf. Ps 65, 1)


Acclamez Dieu, toute la terre ;

fêtez la gloire de son nom,
glorifiez-le en célébrant sa louange.
Dites à Dieu : « Que tes actions sont redoutables ! »

Toute la terre se prosterne devant toi,
elle chante pour toi, elle chante pour ton nom
Venez et voyez les hauts faits de Dieu,
ses exploits redoutables pour les fils des hommes.


Il changea la mer en terre ferme :

ils passèrent le fleuve à pied sec.
De là, cette joie qu’il nous donne.
Il règne à jamais par sa puissance.


Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu :

je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme ;
Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière,
ni détourné de moi son amour !


Deuxième lecture
« Je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus » (Ga 6, 14-18)


Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Galates
Frères, pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. Ce qui compte, ce n’est pas d’être circoncis ou incirconcis, c’est d’être une création nouvelle. Pour tous ceux qui marchent selon cette règle de vie et pour l’Israël de Dieu, paix et miséricorde. Dès lors, que personne ne vienne me tourmenter, car je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus. Frères, que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit. Amen.


Évangile
« Votre paix ira reposer sur lui » (Lc 10, 1-12.17-20)
Alléluia. Alléluia.
Que dans vos cœurs, règne la paix du Christ ; que la parole du Christ habite en vous dans toute sa richesse. Alléluia. (Col 3, 15a.16a)


Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, parmi les disciples, le Seigneur en désigna encore 72, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre. Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : ‘Paix à cette maison.’ S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté. Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : ‘Le règne de Dieu s’est approché de vous.’ » Mais dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis, allez sur les places et dites : ‘Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous l’enlevons pour vous la laisser. Toutefois, sachez-le : le règne de Dieu s’est approché.’ Je vous le déclare : au dernier jour, Sodome sera mieux traitée que cette ville. »
Les 72 disciples revinrent tout joyeux, en disant : « Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom. » Jésus leur dit : « Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair. Voici que je vous ai donné le pouvoir d’écraser serpents et scorpions, et sur toute la puissance de l’Ennemi : absolument rien ne pourra vous nuire. Toutefois, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. »
Patrick BRAUD

 

 

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22 juin 2025

Pierre et Paul, ordonnés pour nous

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Pierre et Paul, ordonnés pour nous


Homélie pour la fête de saint Pierre et saint Paul, Apôtres / Année C
29/06/25
 
Cf. également :
Jésus évalué à 360°

Philippe à la mêlée, Pierre à l’ouverture 

Le kôan qui changea Simon en Pierre

L’Esprit nous précède 

Pâques : Courir plus vite que Pierre

Paul et Coldplay, façon Broken

Quelle est votre écharde dans la chair ?

Qui est votre Ananie ?

Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?

« Passons aux barbares »…

 

Le 29 juin est une date connue et aimée d’une multitude de prêtres dans le monde entier.

Pierre et Paul, ordonnés pour nous dans Communauté spirituelle ciric_298968_ordination_pretreC’est en ce jour de la fête de Pierre et Paul que l’Église aime en effet ordonner ses prêtres, comme pour les enraciner dans le ministère de ces deux apôtres.

Pourquoi donc ordonner un 29 juin ? La Préface de cette fête nous met sur la piste :

« Tu nous donnes de fêter en ce jour – dit la Préface – les deux apôtres Pierre et Paul. Celui qui fut le premier a confessé la foi : Pierre, et celui qui l’a mise en lumière : Paul. Pierre qui constitua l’Église en s’adressant d’abord aux fils d’Israël, et Paul qui fit connaître aux nations l’évangile du salut. L’un et l’autre ont travaillé chacun selon sa grâce à rassembler l’unique famille du Christ ». 

Vous avez là dans cette Préface des éléments fondamentaux du ministère des prêtres aujourd’hui encore : rassembler, confesser la foi, la mettre en lumière, constituer l’Église, l’ouvrir aux nations. Regardons chaque terme de cette Préface.

 

- Rassembler l’unique famille du Christ 

VISUEL+LE+CORPS+DU+CHRIST+%25282%2529 ordination dans Communauté spirituelleC’est bien ce que l’on attend des prêtres : qu’ils soient des rassembleurs, au-delà des clivages sociaux qui ne devraient pas avoir cours dans l’Église, au-delà des légitimes différents de sensibilité de tous ordres, les prêtres, inlassablement, font retenir l’appel  de Dieu à la communion : « Laissez Dieu vous initier à une vie de communion avec lui, avec vos frères et sœurs, avec l’univers, avec vous-même ». Le geste où culmine cette communion ecclésiale est bien sûr la communion eucharistique, mais c’est toute la mission des prêtres que de faire en sorte que les gens se parlent, se pardonnent, apprennent à s’aimer d’avantage. C’est cela « rassembler l’unique famille du Christ ».

 

- Deuxième élément de la Préface : confesser la foi, comme Pierre, qui se jette à l’eau pour proclamer : « Tu es le Messie », alors même qu’il ne saisit pas encore tout ce que cela veut dire, et notamment la croix. Les prêtres initient à la foi de l’Église, pour que les baptisés  se laissent porter par cette foi, cette confiance – c’est le même mot – en un Dieu communion d’amour, Père, Fils et Esprit saint. Cela passe par la première annonce de la foi, puis la catéchèse, à tout âge de la vie, des petits enfants ou personnes âgées, en passant par les fiancés, les adolescents, mais cela passe aussi par toute la vie des prêtres.
Confesser la foi de l’Église. 

 

matt-botsford-566660-unsplash-2 Paul- Troisième élément de la Préface : mettre cette foi en lumière, comme Paul, qui met son immense culture juive, grecque et romaine au service de la foi. Paul débat, argumente, explicite, écrit, dénonce les dérives. C’est lui qui met en lumière, par exemple, la primauté de la grâce sur les œuvres, la primauté de l’Esprit sur la lettre de la Loi, la primauté de l’amour sur tous les autres charismes. Mettre en lumière la pertinence de la foi pour aujourd’hui, pour les prêtres, comme pour les diacres et les évêques en premier lieu, cela passe notamment par le ministère de l’homélie du Dimanche, mais aussi par l’écriture de livres, la prédication de retraites, la participation aux débats contemporains, dans les médias, radios, Internet, réseaux sociaux, universités, etc.

Mettre la foi en lumière. 

 

- Quatrième élément de la Préface sur le ministère des prêtres : constituer l’Église.

VISUEL+LE+CORPS+DU+CHRIST+%25282%2529 PierreLa passion des prêtres, c’est de servir l’engendrement du Corps du Christ à travers tout cela. Tels des sages-femmes – et saint Paul se compare souvent à une sage-femme – ils guettent les signes d’une nouvelle naissance du Christ possible en chacun. Ils accompagnent l’émergence de nouvelles manières de vivre en Église. Ils constituent cette Église, en célébrant les sacrements, en créant des équipes de chrétiens, en appelant chacun à devenir responsable, là où il est, dans sa communauté chrétienne et dans la société.

Constituer l’Église. 

 

- Cinquième élément de la Préface sur le ministère des prêtres : ouvrir cette même Église à toutes les nations. Pierre a accueilli le centurion romain Corneille, il a reconnu que l’Esprit saint « ouvre les portes de la foi aux païens », selon ses mots. Paul – lui – a sillonné la Méditerranée jusqu’à l’Europe, pour maintenir grandes ouvertes ces portes de l’Église à toutes les cultures, langues peuples et nations. Ce souci de l’ouverture à l’universel, à la catholicité de l’Église, anime toujours le ministère des prêtres. Empêcher une Église locale de se refermer sur elle-même, la mettre en communion avec la grande Église de tous les temps et de toutes les cultures, c’est cela la Tradition vivante. Les prêtres y participent à leur manière, en maintenant ouvertes ces portes que l’Esprit a déverrouillé et par lesquelles il nous donne des catéchumènes venus d’ailleurs, aujourd’hui encore. Ils doivent également être attentifs aux nouvelles Pentecôtes qui – comme à Jérusalem – ouvrent des chemins inédits d’évangélisation et de communion…

Ouvrir l’Église aux nations.

 

Rassembler l’unique famille du Christ, confesser la foi, la mettre en lumière, constituer l’Église, l’ouvrir aux nations. 

 

Voilà pourquoi le ministère des prêtres nous est si précieux. Voilà pourquoi il est vital de recevoir les prêtres qui nous sont donnés et ordonnés. Car il s’agit bien de recevoir les prêtres. Quand l’Église appelle un prêtre, c’est qu’elle reconnaît en lui un don de Dieu. Quand elle l’ordonne, c’est pour à son tour le donner au monde. Selon la belle théologie du ministère qui vient de Paul : « Les dons que Dieu a fait aux hommes, ce sont des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs et catéchistes, afin de mettre les saints  (c’est-à-dire les baptisés) en état d’accomplir le ministère pour bâtir le corps du Christ » (Ep 4,11) . Les ministres ordonnés ne sont donc pas des gens privilégiés ou supérieurs, mais des personnes qui sont données à toute l’Église afin qu’elle devienne elle-même, afin qu’elle accomplisse son ministère. En termes théologiques, Vatican II dira que le ministère presbytéral est au service du sacerdoce commun des fidèles : quelques-uns sont prêtres (en grec : presbyteroï = anciens) afin que tous soient prêtres (en latin : sacerdotes = sacerdoce), c’est-à-dire que tous puissent faire de leur vie un sacrifice eucharistique, selon les termes de Paul : « Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte » (Rm 12,1). De la même manière, certains sont appelés à être diacres pour que tous soient serviteurs.

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Pierre et Paul, gravure sur une pierre tombale en marbre venant de la catacombe St Sébastien – IV° siècle, Musée du Vatican

 

En ce 29 juin, puissions-nous apprendre toujours davantage à nous recevoir les uns les autres – quelle que soit notre vocation – comme de vrais cadeaux que Dieu nous fait pour accomplir le ministère de l’Église. C’est d’ailleurs l’un des enjeux spirituels des nominations diocésaines de prêtres à venir : changer de paroisse, aller ailleurs, c’est pour un prêtre recevoir sa mission d’un autre. Pour nous, recevoir ceux qui nous sont donnés comme prêtres ou diacres (et que nous n’avons pas choisis), c’est se recevoir ensemble de Celui qui est la source de toute communion.

 

Prions cette semaine la Préface du 29 Juin, afin de mieux percevoir comment articuler notre vocation de baptisés à celle des ministres qui nous sont envoyés :

 

50862562_p sacerdoceVraiment, il est juste et bon,
pour ta gloire et notre salut,
de t’offrir notre action de grâce,
toujours et en tout lieu,
Seigneur, Père très saint,
Dieu éternel et tout-puissant.

Car tu nous donnes la joie de célébrer en ce jour
les bienheureux apôtres Pierre et Paul :
celui qui fut le premier à confesser la foi,
et celui qui l’a mise en lumière ;
Pierre qui constitua l’Église naissante
parmi les pauvres d’Israël,
et Paul, maître et docteur
des nations appelées au salut ;
l’un et l’autre ont travaillé, par des voies différentes,
à rassembler l’unique famille du Christ ;
dans le martyre, une même couronne les a réunis
et ils reçoivent, de par le monde, la même vénération.
C’est pourquoi, avec les saints et tous les anges,
nous te louons et sans fin nous proclamons :

Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur, Dieu de l’univers…

Messe du jour

 

Première lecture

« Vraiment, je me rends compte maintenant que le Seigneur m’a arraché aux mains d’Hérode » (Ac 12, 1-11)

 

Lecture du livre des Actes des Apôtres

À cette époque, le roi Hérode Agrippa se saisit de certains membres de l’Église pour les mettre à mal. Il supprima Jacques, frère de Jean, en le faisant décapiter. Voyant que cette mesure plaisait aux Juifs, il décida aussi d’arrêter Pierre. C’était les jours des Pains sans levain. Il le fit appréhender, emprisonner, et placer sous la garde de quatre escouades de quatre soldats ; il voulait le faire comparaître devant le peuple après la Pâque. Tandis que Pierre était ainsi détenu dans la prison, l’Église priait Dieu pour lui avec insistance. Hérode allait le faire comparaître. Or, Pierre dormait, cette nuit-là, entre deux soldats ; il était attaché avec deux chaînes et des gardes étaient en faction devant la porte de la prison. Et voici que survint l’ange du Seigneur, et une lumière brilla dans la cellule. Il réveilla Pierre en le frappant au côté et dit : « Lève-toi vite. » Les chaînes lui tombèrent des mains. Alors l’ange lui dit : « Mets ta ceinture et chausse tes sandales. » Ce que fit Pierre. L’ange ajouta : « Enveloppe-toi de ton manteau et suis-moi.» Pierre sortit derrière lui, mais il ne savait pas que tout ce qui arrivait grâce à l’ange était bien réel ; il pensait qu’il avait une vision. Passant devant un premier poste de garde, puis devant un second, ils arrivèrent au portail de fer donnant sur la ville. Celui-ci s’ouvrit tout seul devant eux. Une fois dehors, ils s’engagèrent dans une rue, et aussitôt l’ange le quitta. Alors, se reprenant, Pierre dit : « Vraiment, je me rends compte maintenant que le Seigneur a envoyé son ange, et qu’il m’a arraché aux mains d’Hérode et à tout ce qu’attendait le peuple juif. »

 

Psaume

(Ps 33 (34), 2-3, 4-5, 6-7, 8-9)

R/ De toutes mes frayeurs, le Seigneur me délivre. (cf. 33, 5)

 

Je bénirai le Seigneur en tout temps, 

sa louange sans cesse à mes lèvres. 

Je me glorifierai dans le Seigneur : 

que les pauvres m’entendent et soient en fête !

 

Magnifiez avec moi le Seigneur, 

exaltons tous ensemble son nom. 

Je cherche le Seigneur, il me répond : 

de toutes mes frayeurs, il me délivre.

 

Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage. 

Un pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses.

L’ange du Seigneur campe alentour, pour libérer ceux qui le craignent. 

Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! Heureux qui trouve en lui son refuge !

 

Deuxième lecture

« Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice » (2 Tm 4, 6-8.17-18)

 

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre à Timothée

Bien-aimé, je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice : le Seigneur, le juste juge, me la remettra en ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré avec amour sa Manifestation glorieuse.

Tous m’ont abandonné. Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. J’ai été arraché à la gueule du lion ; le Seigneur m’arrachera encore à tout ce qu’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera entrer dans son Royaume céleste. À lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen.

 

Évangile

« Tu es Pierre, et je te donnerai les clés du royaume des Cieux » (Mt 16, 13-19)

Alléluia. Alléluia. Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Alléluia. (Mt 16, 18)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus, arrivé dans la région de Césarée-de-Philippe, demandait à ses disciples : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » Ils répondirent : « Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. » Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je? » Alors Simon-Pierre prit la parole et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit :
« Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »

Patrick Braud

 

 

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15 juin 2025

Une étoile à la mer

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Une étoile à la mer

Homélie pour la fête du Saint Sacrement Corps et Sang du Christ / Année C
22/06/25

Cf. également :
Le réel voilé sous le pain et le vin
Comme une ancre jetée dans les cieux
L’eucharistie selon Melchisédech
2, 5, 7, 12 : les nombres au service de l’eucharistie
L’Alliance dans le sang
Bénir en tout temps en tout lieu
Communier, est-ce bien moral ?
Fêtons le Saint Sacrement avec Chrysostome
Comme une ancre jetée dans les cieux
Les deux épiclèses eucharistiques
Les trois blancheurs
Comme une ancre jetée dans les cieux
Boire d’abord, vivre après, comprendre ensuite
De quoi l’eucharistie est-elle la madeleine ?
Donnez-leur vous-mêmes à manger
Impossibilités et raretés eucharistiques
Je suis ce que je mange

Écoutez cette histoire, comme une parabole.
Bassin d’Arcachon : un tapis d’étoiles de mer au pied de la dune du PilatUn jour, je marchais sur une plage déserte, au coucher du soleil. Peu à peu, je commence à distinguer la silhouette d’un autre homme dans le lointain. Quand il fut plus près, je remarquais que l’homme ne cessait de se pencher pour ramasser quelque chose qu’il rejetait aussitôt à l’eau. Maintes et maintes fois, inlassablement, il lançait des choses à tour de bras dans l’océan. En m’approchant encore d’avantage, je me rendis compte que l’homme ramassait en fait des étoiles de mer, que la marée avait rejetées sur la plage, et une par une il les relançait dans l’eau. Intrigué, j’aborde l’homme et je lui dis :
– « Bonsoir mon ami. Je me demandais ce que vous étiez en train de faire ».
– « Je rejette les étoiles de mer dans l’océan. C’est marée basse, voyez-vous, et toutes ces étoiles de mer ont échoué sur la plage. Si je ne le rejette pas à la mer, elles vont mourir du manque d’oxygène ».
– « Je comprends, mais il doit y avoir des milliers d’étoiles de mer sur cette plage ! Vous ne pourrez pas toutes les sauver. Il y en a tout simplement trop. Et vous ne vous rendez pas compte que le même phénomène se produit probablement à l’instant même sur des centaines de plages tout au long de la côte. Vous ne voyez pas que vous ne pouvez rien y changer ? »
L’homme sourit, se pencha et ramassa une autre étoile de mer. En la rejetant à la mer, il répondit :
– « Pour celle-là, ça change tout ».

En ce dimanche de la Fête-Dieu, de la fête du Corps et du Sang du Christ, des milliers d’enfants dans nos paroisses font leur première communion Cette histoire d’étoile de mer peut s’entendre à plusieurs niveaux.

Une étoile à la mer dans Communauté spirituelle catechisme-1024x1024-1-1024x1024Pour les éducateurs que nous sommes – personnel ou enseignants en école catholique, catéchistes en paroisse – c’est une grande espérance. Même si vous avez parfois l’impression que votre travail d’éducation est une goutte d’eau dans la mer, il suffit d’un seul enfant que vous aurez aidé à se construire, humainement ou spirituellement, pour qu’une vie entière de labeur éducatif soit justifiée. Beaucoup d’enfants resteront peut-être échoués sur la plage, mais ceux que vous aurez mis à l’eau témoigneront pour vous.

Pour vous, les parents, cette histoire vous invite à semer sans compter. Les étoiles de mer, ce sont peut-être tous ces gestes que vous avez faits et refaits par amour inlassablement sur vos enfants en vous demandant parfois si cela sert à quelque chose. Eh bien, il suffit d’une parole qui fasse son chemin dans le cœur de votre fils, il suffit d’un geste d’affection, de pardon ou de confiance qui s’imprime dans la mémoire de votre fille et ils en seront changés pour toute leur vie !

Pour nous tous en Église, cette parabole d’étoiles de mer nous appelle à ne pas laisser ces enfants s’asphyxier. À leur donner le souffle de l’Esprit comme une réserve d’oxygène pour s’aventurer dans l’océan et aller au large, au lieu de vivoter et de se dessécher à marée basse. La mer pour l’étoile, c’est son milieu nutritif. C’est là où elle se nourrit, où elle puise de quoi grandir, de quoi rejoindre le large. L’eucharistie est la nourriture qui va permettre à ces enfants de première communion de nager loin, loin dans les eaux de leur baptême.

Communier aujourd’hui, communier demain, communier dans les jours de détresse comme dans les jours d’allégresse : cette première communion leur ouvre un chemin où ils pourront toujours ouvrir la main pour recevoir de quoi continuer leur route. Une étoile de mer sans la mer se dessèche et meurt. Un baptisé sans l’eucharistie vécue en Église se dessèche et sa vie intérieure meurt peu à peu. « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement », dit Jésus, en parlant de lui-même. Il est la vraie nourriture, il est la vraie boisson comme le dit saint Jean.
Tant il est vrai que se nourrir d’amour vaut mieux que toutes les autres nourritures.

Mais au fait, de quoi nourrissez-vous votre enfant ?
trop-decrans-pour-vos-enfants communion dans Communauté spirituelleOn fait de plus en plus attention – et on a raison – à ce qu’il y a dans l’assiette familiale. Pas trop sucré pour éviter l’obésité, un peu bio pour respecter la planète, un peu de qualité pour éduquer le goût, en circuit court pour manger local.
Faites-vous autant attention à ce dont vos enfants vont se nourrir, par la lecture, la vision, leur imaginaire, etc. ?
Dans quelle mer plongez-vous vos petites étoiles pour ne pas les laisser sur le sable ?
Toutes les enquêtes montent que les enfants en France, en moyenne, passent plus de temps devant la télé qu’en classe à l’école. Si vous ajoutez tous les écrans qui nourrissent l’imaginaire d’un enfant aujourd’hui, il y a de quoi réveiller votre vigilance de parents : Internet, jeux vidéo, téléphones portables, etc. Une étude publiée en 2023 avait mesuré les temps d’écran chez les enfants français. On y apprend que les enfants de 1 à 6 ans passent en moyenne 2h par jour devant un écran, 3h30 de 7 à 12 ans, et 5h10 de 13 à 19 ans !!!

Infographie: Combien de temps les jeunes passent-ils devant les écrans ? | Statista

Un ancien fait divers sordide, montre hélas que la nourriture virtuelle des enfants peut avoir une profonde influence sur eux. En 2008, un pré-adolescent –  comme on dit – de 11 ans invite chez lui son ami de 12 ans, qui vient accompagné de sa petite sœur de 10 ans. Les parents étant absents, ils regardent un film pornographique sur un DVD. Une fois la séance terminée, les jeunes entreprennent de reproduire toutes les scènes du film avec la petite sœur. La petite fille était complètement sous l’emprise psychologique des deux garçons et n’a rien pu faire pour leur échapper. Les deux collégiens se filment avec leurs smartphones et diffusent de leurs ébats durant une semaine dans leur classe de sixième au collège. Rapidement, l’histoire et la vidéo font le tour de l’établissement de plusieurs centaines d’élèves issus de ce coin huppé des Yvelines. L’enquête sur l’environnement familial révélera que ce ne sont pas des enfants livrés à eux-mêmes. Ils évoluent comme tous les enfants de ce collège dans des milliers sociaux plutôt favorisés, ajoutent un gendarme. Les parents sont effondrés.

Vous voyez l’urgence de proposer à vos enfants d’autres nourritures que celles qu’ils vont trouver à marée basse, au risque de s’asphyxier. Nourriture artistique, littéraire, spirituelle et éducative, nous n’en manquons pas en fait ! Mais parfois, nous n’osons pas transmettre. Nous nous réfugions derrière de faux alibis : « Il choisira plus tard ». « Je ne veux rien lui imposer ». « Tout se vaut après tout… ». Ce pain-là conduit à la mort spirituelle. Alors que celui qui mange du paix eucharistique vivra, et il vivra éternellement nous promet le Christ. Et une promesse du Christ, c’est quelque chose ! C’est plus fort même que la cover-r4x3w1200-654b52abd6c85-043-dpa-pa-221215-99-913175-dpai étoilepromesse scoute, et même que la promesse du mariage ! Lui tient sa promesse. Il nous fait vivre, en se donnant en nourriture, dans sa Parole, dans son Corps qui est l’Église, dans son corps et son sang qui est l’eucharistie.

Petites étoiles de mer, vous les enfants de la première communion, même s’il vous arrive  dans votre vie de suffoquer à marée basse, de vous asphyxier sur du mauvais sable, revenez à l’eucharistie. Souvenez-vous plus tard de votre première communion. La messe dans l’assemblée du dimanche, tout simplement, peut devenir votre océan et vous ouvrir une belle, une profonde, une indicible course au large.
Bonne navigation ! Et n’oubliez pas : se nourrir d’amour vaut mieux que toutes les autres nourritures…

 

Lectures de la messe

Première lecture
Melkisédek offre le pain et le vin (Gn 14, 18-20)

Lecture du livre de la Genèse
En ces jours-là, Melkisédek, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin : il était prêtre du Dieu très-haut. Il bénit Abram en disant : « Béni soit Abram par le Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre ; et béni soit le Dieu très-haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains. » Et Abram lui donna le dixième de tout ce qu’il avait pris.

Psaume
(Ps 109 (110), 1, 2, 3, 4)
R/ Tu es prêtre à jamais, selon l’ordre de Melkisédek.
(cf. Ps 109, 4)

Oracle du Seigneur à mon seigneur :
« Siège à ma droite,
et je ferai de tes ennemis
le marchepied de ton trône. »

De Sion, le Seigneur te présente
le sceptre de ta force :
« Domine jusqu’au cœur de l’ennemi. »

Le jour où paraît ta puissance,
tu es prince, éblouissant de sainteté :
« Comme la rosée qui naît de l’aurore,
je t’ai engendré. »

Le Seigneur l’a juré
dans un serment irrévocable :
« Tu es prêtre à jamais
selon l’ordre du roi Melkisédek. »

Deuxième lecture
« Chaque fois que vous mangez ce pain et buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur » (1 Co 11, 23-26)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. » Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

Séquence
Cette séquence (ad libitum) peut être dite intégralement ou sous une forme abrégée à partir de : « Le voici, le pain des anges ».
Sion, célèbre ton Sauveur, chante ton chef et ton pasteur par des hymnes et des chants.
Tant que tu peux, tu dois oser, car il dépasse tes louanges, tu ne peux trop le louer.
Le Pain vivant, le Pain de vie, il est aujourd’hui proposé comme objet de tes louanges.
Au repas sacré de la Cène, il est bien vrai qu’il fut donné au groupe des douze frères.
Louons-le à voix pleine et forte, que soit joyeuse et rayonnante l’allégresse de nos cœurs !
C’est en effet la journée solennelle où nous fêtons de ce banquet divin la première institution.
À ce banquet du nouveau Roi, la Pâque de la Loi nouvelle met fin à la Pâque ancienne.
L’ordre ancien le cède au nouveau, la réalité chasse l’ombre, et la lumière, la nuit.
Ce que fit le Christ à la Cène, il ordonna qu’en sa mémoire nous le fassions après lui.
Instruits par son précepte saint, nous consacrons le pain, le vin, en victime de salut.
C’est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son corps, que le vin devient son sang.
Ce qu’on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l’affirmer, hors des lois de la nature.
L’une et l’autre de ces espèces, qui ne sont que de purs signes, voilent un réel divin.
Sa chair nourrit, son sang abreuve, mais le Christ tout entier demeure sous chacune des espèces.
On le reçoit sans le briser, le rompre ni le diviser ; il est reçu tout entier.
Qu’un seul ou mille communient, il se donne à l’un comme aux autres, il nourrit sans disparaître.
Bons et mauvais le consomment, mais pour un sort bien différent, pour la vie ou pour la mort.
Mort des pécheurs, vie pour les justes ; vois : ils prennent pareillement ; quel résultat différent !
Si l’on divise les espèces, n’hésite pas, mais souviens-toi qu’il est présent dans un fragment aussi bien que dans le tout.
Le signe seul est partagé, le Christ n’est en rien divisé, ni sa taille ni son état n’ont en rien diminué.

* Le voici, le pain des anges, il est le pain de l’homme en route, le vrai pain des enfants de Dieu, qu’on ne peut jeter aux chiens.
D’avance il fut annoncé par Isaac en sacrifice, par l’agneau pascal immolé, par la manne de nos pères.
Ô bon Pasteur, notre vrai pain, ô Jésus, aie pitié de nous, nourris-nous et protège-nous, fais-nous voir les biens éternels dans la terre des vivants.
Toi qui sais tout et qui peux tout, toi qui sur terre nous nourris, conduis-nous au banquet du ciel et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints. Amen.

Évangile
« Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés » (Lc 9, 11b-17)
Alléluia. Alléluia.
Moi, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel, dit le Seigneur ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Alléluia. (Jn 6, 51)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus parlait aux foules du règne de Dieu, et guérissait ceux qui en avaient besoin. Le jour commençait à baisser. Alors les Douze s’approchèrent de lui et lui dirent : « Renvoie cette foule : qu’ils aillent dans les villages et les campagnes des environs afin d’y loger et de trouver des vivres ; ici nous sommes dans un endroit désert. » Mais il leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ils répondirent : « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons. À moins peut-être d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple. » Il y avait environ cinq mille hommes. Jésus dit à ses disciples : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante environ. » Ils exécutèrent cette demande et firent asseoir tout le monde. Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés ; puis on ramassa les morceaux qui leur restaient : cela faisait douze paniers.

Patrick BRAUD

 

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